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La paramita de la générosité

Enseignement de Chépa Dorjé Rinpoché - Paris, le 13 octobre 2002.

Nous devons penser que maintenant nous allons écouter cet enseignement afin d’établir nous-mêmes ainsi que l’ensemble de tous les êtres en l’état parfait de Bouddha. C’est important de se dire que nous écoutons cet enseignement afin de discipliner notre propre courant de conscience de toutes nos émotions perturbatrices. Le plus important c’est cela : pouvoir discipliner notre esprit.

Nous sommes tous des êtres vivants, donc d’une manière naturelle ces émotions perturbatrices apparaissent. Mais tout va dépendre de l’intelligence éveillée que nous allons ou non développer. Si nous avons cette intelligence, nous pourrons trouver les méthodes pour discipliner ces émotions. Les antidotes sont vraiment importants ; l’érudit Chiwala a dit qu’il fallait connaître ces antidotes et les utiliser.

Dans l’enseignement, nous en étions au cinq premières paramitas. Elles font référence à l’accumulation de mérites.

La première de ces paramitas est la générosité.

Il y a trois sortes de générosité :

 la générosité,
 la grande générosité
 et la très grande générosité.

La première générosité sera de donner : donner ce que nous avons, les substances, les possessions, les choses précieuses qui nous appartiennent. En résumé, offrir tout ce que nous avons, tout ce que nous possédons.

Ensuite, la grande générosité sera d’offrir ce qui nous est le plus proche : notre fils, notre fille, les gens qui nous touchent le plus.

La parfaite générosité sera de donner nos propres organes, les parties de notre corps, nos différents membres ou nos organes tel notre cœur.

Quand on parle d’offrir, d’une manière ordinaire l’on peut dire que c’est tout ce que nous avons : toutes nos possessions. Auparavant on parlait de charrues, mais à l’heure actuelle on n’a plus de charrues, mais ce serait d’être capable d’offrir notre voiture, notre vélo, notre moto, et en fait vraiment tout ce que nous possédons.

Offrir toutes nos possession, tout ce dont nous avons besoin, c’est la première des générosités.

Quand nous parlons d’offrande suprême, c’est quelque chose de très difficile à accomplir pour le commun des mortels ; en fait il faut avoir atteint la première terre de bodhisattva pour en être capable. Tant que nous n’avons pas obtenu cet esprit courageux, même si au départ nous pensons pouvoir effectuer ce genre d’offrande, il y a toute sortes d’obstacles qui peuvent nous en empêcher, par exemple tomber malades. Beaucoup de gens pratiquent la première générosité, la plus commune et la grande générosité.

Et si nous sommes généreux de cette manière, quel en est le bienfait ?

En fait nous accumulons du mérite. Cette accumulation de mérites va nous permettre de parachever la Prajnaparamita de la Sagesse. Sans cela, il n’y a pas la possibilité d’atteindre la Sagesse, sixième paramita.

Nous avons une très forte saisie du « je », du « moi ». Afin de pouvoir nous en libérer, nous pratiquons cette générosité. Le fait d’offrir va nous permettre de nous détendre quant à cette saisie du « je ». En fait, les 84 000 sortes d’enseignements que le Bouddha a donné se résume à une chose : pouvoir être séparés de cette saisie du « je ». La générosité est un moyen facile de pouvoir abandonner ou amoindrir cette saisie. Nous avons une saisie sur tous les objets dont nous avons besoin, donc sur les objets extérieurs, mais nous avons une plus grande saisie encore sur nous-mêmes. En pratiquant cette générosité nous pourrons amoindrir la première des saisies, la saisie sur l’extérieur.

Quand nous effectuons cette générosité, nous devons penser que : celui envers qui nous faisons cet acte de générosité, que l’objet lui-même que nous offrons, et que nous-mêmes qui offrons cet objet, sont tous les trois sont semblables à un rêve, à une illusion, n’ont pas de réalité intrinsèque. Si nous pensons que ce que nous offrons, que celui à qui nous offrons et que nous-mêmes avons une réalité, il y a alors l’espoir d’un retour. Et s’il y a l’espoir d’un retour, la générosité que nous effectuons n’est pas parfaitement pure. Nous devrions avoir cet acte de générosité sans absolument aucun concept, aucune conceptualisation dans notre esprit.

Pour les débutants il est impossible d’avoir cet acte de générosité sans aucune conceptualisation, par contre il est possible de penser que cet acte de générosité est semblable à un rêve, à une illusion.

Principalement il est important de ne pas avoir d’espoirs. Si nous faisons preuve de cette générosité libre d’espoirs, elle sera parfaitement pure. En fait, peu importe l’objet que nous allons offrir. Nous ne pouvons pas dire : « j’offre beaucoup d’objets, donc j’accumule beaucoup de mérites » et « j’offre un tout petit objet, donc j’accumule un tout petit mérite », cela ne se passe pas ainsi. Cela dépend véritablement de notre d’esprit, donc cela dépend de chacun. Si nous n’offrons rien qu’un petit objet, si nous n’avons pas d’espoir quand nous l’offrons, le mérite que nous accumulons est vraiment très vaste.

De toutes les formes de générosité, la générosité supérieure est l’offrande du Dharma.
Nous n’avons pas réalisé l’esprit éveillé des Bouddhas, des êtres éveillés, donc il n’est pas possible pour nous, il est très difficile pour nous d’offrir cet état d’Eveil. Mais nous pouvons faire preuve de générosité vis-à-vis du Dharma.

La générosité dans le Dharma c’est, par exemple, offrir un texte à quelqu’un qui n’en a pas, offrir un mala à quelqu’un qui n’en a pas et qui veut réciter des mantras, offrir un siège ou un coussin à quelqu’un qui n’en a pas et qui veut méditer.

L’offrande la plus suprême, la plus excellente, c’est d’offrir une initiation qui permet de faire mûrir le courant de conscience, ou alors de donner les instructions qui libèrent. Et donc cela est l’offrande suprême, quand on a l’esprit éveillé pour pouvoir le faire.

Dans un soutra le Bouddha a dit que même l’offrande d’un stylo pour pouvoir écrire est une offrande du Dharma, car avec ce stylo on peut écrire des textes.

Et puis, être capable de parler de l’esprit Eveillé des Bouddhas ou des Bodhisattvas, ou de donner le sens incommensurable du Dharma, cela aussi est une preuve de générosité.

Donner les vœux de moines, les vœux de Bodhisattva ou encore les vœux de refuge, cela fait partie de la grande générosité. Certains lamas tibétains le font.
Parler du sens profond et dire que l’ensemble de tous les phénomènes sont de la nature de vacuité, qu’ils ne sont rien d’autre que la Sphère de la Vérité Ultime, et donc donner ce genre d’enseignements, cela fait partie de la générosité suprême ou parfaite.

L’on parle aussi de la générosité qui protège : si l’on reçoit des enseignements sur l’esprit Eveillé du Bouddha, et si, par ces enseignements, l’on comprend qu’il ne faut pas nuire aux autres êtres et que l’on applique ceci, à ce moment-là on protége les êtres au lieu de leur nuire et cela s’appelle la générosité de protection.

Le Bouddha Sakyamuni lui-même a dit que parmi tous les aspects différents de la générosité, la générosité de protection était la plus sublime.

Protéger les gens des dangers de l’eau, du feu, des poisons, des maladies, aider ces personnes et leur donner le remède nécessaire, les aider selon notre propre capacité est le don de protection. Par exemple donner à manger à quelqu’un qui meurt de faim fait partie de la générosité de protection. Si l’on a, par nos capacités, la possibilité de protéger les gens de toutes les nuisances dues aux quatre éléments, cela aussi fait partie de la générosité de protection. Dans les vertus de la vérité relative, le plus excellent est cette générosité de protection. Parfois nous n’avons pas la possibilité, la capacité de protéger : par exemple si des animaux sont vendus pour être tués et que nous ne pouvons pas les acheter, il suffit alors pour ces animaux-là de réciter des mantras, le mantra de Chenrezi, des manis. Et ainsi, en développant ces pensées, nous ferons preuve de cette générosité de protection. Mais si nous en avons la possibilité, nous pouvons acheter ces différents animaux pour les remettre dans leurs lieux d’habitation, dans l’eau ou ailleurs.

Afin de pouvoir développer l’Esprit d’Eveil, il est dit que nous devons même donner notre propre corps. Donc si nous disons que nous devons faire preuve de générosité en donnant notre propre corps, inutile de dire qu’il faut faire preuve de générosité en donnant toutes sortes d’objets matériels !

Ce que nous ne pouvons pas donner, nous ne pouvons pas le donner parce que nous avons de la saisie sur ce « je », sur ce « moi ».

Si nous pouvons tout donner, cela montre que nous n’avons pas de saisie.

Donc, nous faisons preuve de générosité afin de ne plus avoir cette saisie continuelle du « je », du « moi ». Cette générosité permet de ne plus avoir cet attachement, cette saisie sur les choses. Au moment de notre mort, si nous avons encore de la saisie et de l’attachement sur nos objets, nous ne voudrons pas nous séparer de cet endroit où se trouvent les objets. Alors qu’à l’inverse, si nous n’avons ni attachement ni saisie il n’y aura pas ce problème.

Kadampa retournait son bol chaque nuit, avant de se coucher, en pensant qu’il allait mourir la nuit ; c’était comme une offrande spontanée de tout ce qu’il possédait. C’était le signe que peut-être il allait mourir et qu’il abandonnait tout ce qui lui appartenait.

Certains individus ont une telle saisie qu’ils ne pensent pas à donner ; à ce moment-là, il y a un certain entraînement qui permet, petit à petit, de faire preuve de générosité. Au départ, pour ces personnes-là, il n’est pas possible d’offrir de grandes choses, les beaux objets qu’ils possèdent, mais ils peuvent commencer par de petites choses, de tout petits objets qu’ils possèdent, ou même par une petite partie de leur nourriture. Et s’ils suivent ce chemin de l’entraînement, ils finiront par pouvoir offrir de grandes choses.

Djatri Chiwala a dit qu’au début, quand on essayait de faire preuve de générosité, c’était comme de mettre un objet de la main droite dans la main gauche, et que cet objet, que l’on a mis de la main droite dans la main gauche, on peut finalement l’offrir à quelqu’un d’autre. C’est ainsi que nous pouvons, petit à petit, offrir de grandes choses et obtenir un esprit courageux (qui permet alors de tout offrir). Il est important au départ d’avoir cette pensée de donner. Tout part de cette pensée ; c’est comme une graine que l’on plante et qui finalement va devenir une pousse, puis une plante beaucoup plus grande. De même, au départ il y a cet objet que l’on a pas envie de donner, que l’on a dans la main droite et que l’on n’a pas envie de mettre dans la main gauche pour le donner à quelqu’un d’autre. Mais au début, juste la pensée de donner, la pensée de mettre cet objet dans la main gauche pour le donner, est importante. Rien que cette pensée, au départ, est importante.

Quand nous faisons preuve de générosité, parfois nous savons exactement ce qu’il faut offrir, et parfois nous ne savons pas. Certains individus reconnaissent la très grande souffrance chez autrui et savent exactement ce qu’il convient de donner à l’autre. D’autres individus n’ont pas la possibilité de voir cet aspect secret d’autrui. Mais en fait, par une certaine intelligence, on peut savoir un petit peu ce qui peut être bon pour l’autre. Si, par exemple, quelqu’un est en train de mourir de faim et si personne d’autre que nous n’a la possibilité de lui donner la nourriture indispensable pour survivre ; si nous faisons alors preuve de générosité, c’est un grand mérite autant pour celui qui reçoit que pour nous qui donnons.

Pourquoi dit-on que cette générosité de protection est d’un très grand mérite ? Parce que, comme son nom l’indique, il y a la générosité et, en plus, il y a la protection ; les deux vont de pair.

Il est possible, lorsque nous protégeons quelqu’un, que cela soit difficile. Mais l’individu qui protège a de la patience, développe de la patience, a un esprit courageux. Peu importe qu’il endure toutes sortes de difficultés pour protéger l’autre ; il le fait malgré tout puisqu’il a cette capacité, cet esprit courageux. Et c’est vraiment d’un très grand mérite. Pour effectuer une véritable générosité, il faut avoir réalisé le sens de la Sphère Ultime, de la Réalité Ultime, dans la mesure où dans cet état de réalisation il n’y a absolument aucune saisie et donc c’est une générosité parfaite.

Donc, lorsque l’on reconnaît que l’esprit n’a pas de matérialité, qu’il n’a pas d’endroit où il demeure dans notre corps, il n’y a plus de saisie d’aucune sorte ; c’est ainsi que nous pouvons véritablement effectuer la générosité. Il ne faut pas penser : « je ne suis pas capable de faire preuve de cette générosité, donc je ne fais pas preuve de générosité ». Bien sûr que si vous devez faire preuve de générosité dans la mesure où il faut accumuler le mérite avec conceptualisation [1] pour pouvoir finalement obtenir l’accumulation de Sagesse sans conceptualisation. En fait c’est semblable à un pont. S’il n’y a pas de pont qui traverse la rivière, nous n’avons pas la possibilité de la traverser.

Nous devons effectuer l’ accumulation de mérites avec conceptualisation.

Quand nous faisons preuve de cette générosité, il faut encore avoir l’esprit d’Eveil, c’est-à-dire penser que nous effectuons cet acte afin d’établir l’ensemble de tous les êtres en l’état parfait de Bouddha. Si nous pensons que nous faisons preuve de générosité afin de nous établir nous-mêmes dans l’état parfait de Bouddha, c’est correct cela va aussi car, comme nous l’avons vu, il y a différents développements de l’esprit d’Eveil. Nous pouvons aussi nous dire, et cela va, que nous faisons preuve de cette générosité afin de pouvoir réaliser le sens de la Sphère Ultime. Si nous pensons ainsi, c’est bien. Et nous pouvons encore penser que nous effectuons cet acte de générosité afin que l’ensemble de tous les êtres puissent reconnaître la nature-même de leur propre esprit.

Il est dit que si nous visualisons en face de nous l’arbre du Refuge, c’est-à-dire que si nous pensons que tous les Bouddhas et les Bodhisattvas sont véritablement présents devant nous et qu’ainsi nous prenons l’engagement suivant : « Dès à présent je ferai preuve de générosité » ; que cette générosité soit petite ou grande, cela est d’un très grand mérite. Après avoir pris cet engagement si nous donnons de l’argent à un mendiant, nous remplissons l’engagement que nous avons pris, cela fait partie de l’accumulation de mérites. Il est important aussi d’examiner notre esprit quand nous effectuons cet acte de générosité pour voir si quand nous offrons cet objet, nous nous le faisons sans espoir de quoi que ce soit, et si nous ne serons pas ensuite en colère d’avoir donné cet objet, auquel cas il vaudrait alors mieux ne pas donner.

Quoiqu’il en soit, nous avons vu qu’il y a toutes sortes de générosités et de façons d’être généreux et il est important principalement d’examiner son esprit. Si nous n’examinions pas notre esprit et que nous effectuions des actes de générosité de manière incorrecte, ce serait comme de mettre du poison dans nos actes-mêmes.

Quel est le bienfait de pratiquer cette générosité ? L’ensemble de tous les Bouddhas a dit la même chose : qu’ainsi en accumulant, en parachevant les deux accumulations de mérites, finalement on détruit complètement l’ensemble de toutes les émotions perturbatrices.

Quand on fait preuve de générosité, c’est qu’on a une certaine intelligence éveillée ; par cette générosité même on accroît cette intelligence éveillée. Il y a vraiment un lien entre les deux.

Le mérite de cet acte de générosité n’est pas en fonction de l’objet lui-même que nous allons donner. Il n’y a pas un petit mérite pour un petit acte de générosité et un grand mérite pour une grand acte de générosité. Il faut se dire que tout acte de générosité que nous effectuons nous permet finalement d’accéder à cet état de la paramita de la Sagesse, de la Connaissance primordiale.

Nous allons nous arrêter ici pour la générosité. La prochaine fois nous verrons l’éthique, la conduite juste.


[1ndt : c’est-à-dire avec la saisie d’un soi