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Enseignement

La prise de conscience des défauts du samsara

Chépa Dorjé Rinpoché - Paris, le 20 décembre 2001.

Nous devons penser que nous allons écouter cet enseignement pour que nous-mêmes et l’ensemble de tous les êtres puissions obtenir l’état d’éveil.

Je commence toujours en disant cette phrase : « Puissè-je maintenant écouter cet enseignement afin que tous les êtres et moi-même puissions obtenir l’état d’éveil ». Nous entendons toujours ces paroles, nous devons bien les écouter et nous devons y réfléchir, y penser.

Il est très facile de développer une telle pensée car nous expérimentons de la souffrance, car tous les êtres expérimentent cette même souffrance. Se dire : « je souhaite que tous les êtres puissent atteindre cet état d’éveil et ainsi être libérés de la souffrance » est une pensée qu’il n’est pas difficile d’avoir. De même il est facile d’avoir l’écoute, la réflexion et la mise en pratique. Réfléchir c’est penser à cela et se dire que nous allons le faire, c’est la pratique. Ce n’est pas si difficile d’actualiser ces trois aspects. Ainsi nous pourrons, chacun d’entre nous, avoir l’expérience de la mise en pratique ou de la « non mise en pratique », et, petit à petit, nous n’omettrons absolument aucune personne, c’est-à-dire que nous penserons à établir l’ensemble de tous les êtres en cet état d’éveil.

L’esprit d’éveil fait de nous un bodhisattva et en prenant les vœux de bodhisattva, nous ne devons oublier aucun être, nous devons penser à tous les êtres. Il se peut, pour commencer, qu’il soit difficile de faire ainsi, mais, petit à petit, quand nous acquerrons l’esprit d’éveil, cet esprit courageux, nous pratiquerons véritablement pour l’ensemble de tous les êtres.

Nous expérimentons de la souffrance et cela nous rend impatients, c’est à cause de la souffrance que nous désirons pratiquer. Nous sommes impatients de pratiquer car nous pensons à la souffrance de tous les êtres. Par exemple, si nous avons une aiguille plantée dans la main, nous n’avons pas la patience de rester avec cette souffrance de l’aiguille fichée là, immédiatement on a envie d’enlever cette aiguille pour ne plus souffrir.

C’est pourquoi, lorsque l’on n’a pas une compréhension véritable, une compréhension parfaitement pure de ce qu’est l’esprit d’éveil, tout ce que nous effectuons est comme un mensonge, c’est comme se mentir à soi-même.

Il y a deux sortes de disciples différents. Il y a par exemple, un disciple qui va avoir une très grande foi, lorsqu’il se prosternera il va offrir cette prosternation, en gardant à l’esprit une foi parfaitement pure. Et puis, il y a une autre personne qui va faire des prosternations car il voit que d’autres se prosternent. Donc, en fait, extérieurement la prosternation est la même, mais intérieurement, il y en a un qui est dans le mensonge, qui se ment à lui-même, et il y en a un autre qui a une foi véritable. Pour illustrer cela, un jour, à la pratique de Tara, Frédérique faisait des moudras et à un moment donné, elle a fait un autre geste qui n’était pas un moudra et les autres gens ont suivi et ils ont fait exactement la même chose qu’elle...

Donc, celui qui n’a pas une compréhension véritable de ce qu’est pour lui la souffrance et de ce qu’est la souffrance des autres, qui n’en a pas une expérience véritable, ne peut pas faire naître dans son esprit l’esprit d’éveil. Quoi qu’il fasse, qu’il offre une prosternation, qu’il récite des mantras, tout cela, n’est que mensonge !

C’est pourquoi, au départ, il faut avoir une compréhension parfaitement pure de ce qu’est notre souffrance, et quand nous en avons une compréhension véritable, parfaitement pure, le désir de ne pas nuire à autrui naît, car nous savons pourquoi nous ne voulons pas nuire à autrui.

Et si je ne dis pas cela, c’est une erreur de ma part, je dois le dire. C’est quelque chose que je dois faire.

Il est vraiment important, quand nous rentrons dans le Dharma, dans le bouddhisme, quand nous avons pris refuge, de ne pas nuire à autrui. Si lorsque nous pratiquons il y a la moitié de notre être qui pratique et l’autre moitié qui nuit à autrui, il y a quelque chose qui ne va pas, l’esprit n’est pas vaste.

Donc, tout d’abord, il faut reconnaître sa propre souffrance et ensuite reconnaître la souffrance des autres. S’il n’en est pas ainsi, l’on ne peut pas dire que l’on suit le chemin du Vajrayana.

Dans le chemin du Vajrayana, tous les êtres ont une grande bonté à notre égard. Car c’est grâce à eux que nous pouvons atteindre l’éveil. Si les êtres n’avaient pas de souffrance, si nous ne pensions pas aux autres êtres, nous ne pourrions pas développer ce désir d’atteindre l’esprit d’éveil. C’est pourquoi les êtres ont une grande bonté à notre égard. C’est pour cela que nous pratiquons pour le bien des autres.

Le Lama aussi fait partie de ces êtres. Par exemple, si nous pensons aux enfers et que nous avons peur des enfers et que nous nous disons : « Je vais pratiquer pour ne pas aller dans ces enfers », le Lama c’est l’enfer même. Et de même, si nous nuisons aux autres êtres, nous nuisons au Lama et il n’y a pas de chemin.

C’est pourquoi il est important, au départ, de développer l’esprit d’éveil et de ne pas nuire aux autres êtres. Et s’il n’y a pas l’esprit d’éveil, même si nous pratiquons, nous ne pratiquons pas, et tout ce que nous saisissons au niveau de l’enseignement, ce n’est rien.

Dans le texte il est question ensuite de ceux qui ayant été moines ont un jour brisé leurs vœux et les ont endommagés. On ne peut pas dire que ces êtres font partie des laïcs. Comme ils ne pratiquent pas le Dharma, ils sont comme des athées, ils ne font partie d’aucune tradition spirituelle. Ils ne sont plus dans le Dharma, ils ne sont plus bouddhistes, ils ne sont pas chrétiens non plus, ni musulmans, ils ne sont dans aucun chemin spirituel, donc on peut dire qu’ils sont athées. Certainement qu’en France ces personnes-là sont bien considérées, mais dans ce texte, il est dit que ces gens-là ne sont pas bien.

Pourquoi dit-on cela ? C’est parce qu’il y a deux façons de voir différentes. Il y a celle d’un être qui a une compréhension complète de l’ensemble de tous les chemins spirituels, qui est complètement impartial, qui n’a plus de jugement sur l’ensemble de ces traditions puisqu’il a une compréhension complète de toutes ces traditions. Et il y a celle de quelqu’un qui est aussi impartial quant à toutes ces traditions, mais qui n’a aucune compréhension ni de l’une, ni de l’autre : cette personne est dans l’erreur, dans le mensonge, en n’ayant aucune compréhension de ces traditions.

Il y a une différence fondamentale entre celui qui a la compréhension complète de toutes les traditions spirituelles authentiques, qui n’a plus aucun jugement de valeur sur une tradition ou une autre, et celui qui est sans jugement par rapport à toutes les traditions mais qui, en même temps, n’a la compréhension d’aucune d’entre elles. Il y a une grande différence entre ces deux personnes, même si c’est exactement le même terme qui est employé. Parce qu’il y en a un qui est allé complètement au-delà de toutes les traditions spirituelles, et un autre qui n’a absolument aucun chemin et qui n’a parcouru aucun chemin : pour ce dernier il est dit littéralement que c’est mauvais.

Celui qui saisirait très fortement tout ce qu’il fait ne pourrait pas avoir d’activité parfaitement pure. Celui qui n’a pas une compréhension véritable de la souffrance du samsara n’en a pas peur. Et s’il n’en a pas peur, comment peut-il développer la foi et la dévotion ? Cet être n’a pas la moindre foi ! Il a une grande connaissance en tout ce qui concerne les actes non vertueux, l’on peut dire même que cet être ne connaît que cela. Cet être a vraiment une grande connaissance, et plus particulièrement de tout ce qui peut être négatif. Il n’a pas de vœu, n’a pas de liens d’engagement, il ne pense qu’à lui-même et il ne donne de sens qu’aux activités mondaines : en fait, il ne donne de sens qu’à cela et à rien d’autre. Comme il ne pense qu’aux activités mondaines, il les saisit très fortement, et donc il va saisir très fortement toutes les activités de cette vie-là, et il ne pourra pas faire autrement que de les saisir très fortement !

Que signifient les activités mondaines ? Les activités mondaines sont toutes celles qui vont lui apporter de la richesse, celles qui vont être liées à ses proches, aux personnes de son entourage qu’il aime ; il va saisir très fortement tout cela. Et donc, toutes les activités de cet être-là ne seront que pour son propre bien et uniquement pour son propre bien. Afin d’obtenir toutes sortes de possessions, il va saisir tout cela ; il n’aura pas le temps de faire quelque pratique que ce soit, il va juste être dans ces activités-là, dans cette très forte saisie.

Cet être, même s’il a la possibilité de rencontrer un ami spirituel, même s’il peut avoir une petite pensée du Dharma, laissera tout cela de côté très rapidement et ne rentrera pas véritablement dans le Dharma. Il n’aura pas la possibilité de se transformer véritablement, car il n’aura pas le temps de le faire, et même s’il écoute le Dharma cela ne lui sera d’aucune aide. Même s’il entend parler de la souffrance des mondes inférieurs, même s’il entend parler des défectuosités du samsara, de toutes les souffrances que le monde humain peut endurer, il ne pourra pas y penser un seul instant, cela ne pourra pas rentrer dans son esprit, il n’aura absolument aucune possibilité d’y penser.

Il y a l’histoire d’un des proches du Bouddha Shakyamuni, qui aimait beaucoup les femmes, il ne pensait qu’à cela. Le Bouddha avait essayé de très nombreux moyens pour qu’il puisse pratiquer le Dharma, mais il n’y parvenait pas. Guidé dans le monde des enfers, il y avait vu tous les êtres qui souffraient dans ces lieux, en train de bouillir dans des chaudrons. Il y avait un chaudron vide, le Bouddha lui dit : « Si tu continues à être dans le samsara et à ne rien faire pour t’en sortir, ce chaudron est pour toi ! ». Cela ne l’avait pas affecté, il n’avait toujours pas après cette visite le désir de pratiquer le Dharma.

Donc le Bouddha Shakyamuni l’avait emmené dans le monde des Dieux. Dans ce monde des dieux se trouvait un trône entouré de déesses qui faisaient des offrandes. Ce trône était vide, il n’y avait personne.

Les déesses disaient : « Nous attendons un moine parfaitement pur » et le bouddha Shakyamuni avait dit à cet individu : « Trouves-tu les femmes belles, dans le monde humain ? ».

Il avait répondu : « Oh non, pas du tout ! Ces déesses sont vraiment merveilleuses et beaucoup plus belles que les femmes humaines ».

Le Bouddha Shakyamuni lui avait dit : « Pose la question à ces déesses, qui attendent-elles ? ».

Les déesses avaient répondu : « Nous attendons un moine qui va tenir ses voeux d’une manière parfaitement pure ».

Le bouddha Shakyamuni avait ajouté « Voilà ; c’est toi, si tu prends les voeux de moine ». La pensée de prendre les voeux de moine est apparue dans son esprit, et là, il a été très heureux, il a été dans un très grand bonheur.

Ainsi, celui qui n’a pas la compréhension véritable de ce qu’est le samsara, comme nous venons de le voir, va saisir toutes les activités qui vont lui apporter de la richesse. Il saisira très fortement toutes les activités qu’il effectuera pour son propre bien, pour qu’il obtienne ce qu’il souhaite. Même s’il entend parler des enfers, il n’a pas peur du samsara. Même s’il entend parler de toutes les défectuosités du samsara, il n’en a aucune crainte, et si on lui dit : « Mais tu vas mourir demain ! » il n’aura pas peur car il ne se rend pas compte de ce que cela implique. Même s’il rencontre un Lama parfaitement pur, aucune foi ne pourra naître en lui, il n’aura absolument aucun moyen de développer l’esprit d’éveil car le temps ne sera pas venu pour lui de pouvoir l’atteindre. Il ne plantera pas les causes qui mèneront à cet éveil. Au contraire, il plantera toutes les causes qui apportent la souffrance, toutes les causes de renaissance dans les mondes inférieurs, car il effectuera toutes les activités qui conduisent dans les mondes inférieurs.

Il n’aura pas le désir de pratiquer véritablement le Dharma au travers de ses trois portes, celles du corps, de la parole et de l’esprit. Il n’aura pas la possibilité de reconnaître les qualités du Dharma, de reconnaître les qualités du Bouddha. Et même s’il a un petit mérite qui pourrait lui permettre de pratiquer le Dharma, à cause des émotions contraires au Dharma il s’en détournera complètement et perdra la possibilité de pouvoir le pratiquer. Même si on lui offre le Dharma, il ne le prendra pas, il sera semblable à un chien devant un brin d’herbe, il ne s’en nourrira pas. Donc, même si on lui donne le Dharma, il ne le pratiquera pas, il ne le considèrera pas comme quelque chose d’important, et il sera très difficile que cette rencontre lui soit bénéfique. Il n’éprouvera pas la joie, le véritable bonheur de pratiquer le Dharma. Et si l’on ne peut pas recevoir la bénédiction de cette manière, on ne peut pas pratiquer le Dharma, et même si on le pratique, on ne peut pas en recevoir toute la bénédiction.

Même s’il a la possibilité de rentrer dans les véhicules ordinaire et extraordinaire, puisqu’il ne développe pas la vertu, puisqu’il ne développe pas l’esprit d’éveil, finalement il ne rentre dans aucun de ces différents véhicules et il ne pratique pas le Dharma. Il endommage les différents vœux qu’il a pu prendre, les vœux de refuge ou les vœux de bodhisattva, et il plante en lui toutes les causes qui le conduiront dans ses vies futures dans les mondes inférieurs. Si cet individu est dans le Vajrayana, il n’aimera pas le Lama, il n’aimera pas l’ensemble de tous les amis du Dharma, et de cette manière-là il ne pourra recevoir absolument aucun accomplissement, car s’il n’apprécie pas le Lama, s’il n’apprécie pas les amis du Dharma, aucun accomplissement ne pourra être obtenu.

Chacun d’entre nous doit examiner son esprit et se demander : « Est-ce que je suis dans cette situation-là ou pas ? », c’est à chacun de nous d’examiner notre esprit, de le reconnaître, de le savoir.

Si nous sommes dans ce cas, si nous sommes ce genre de personne, que faisons-nous ?

Si nous ne sommes pas dans ce cas-là, nous pouvons développer de la joie, nous pouvons véritablement développer de la joie dans notre esprit, car nous avons de la foi, nous avons la possibilité de pratiquer le Dharma, et de cela nous pouvons nous réjouir.

Donc nous sommes dans le premier cas et si nous avons ces défauts, nous devons utiliser les moyens appropriés pour que cela change.

Il est bien qu’on s’arrête là et que vous examiniez votre esprit. Vous avez deux semaines pour réfléchir à cela, et nous verrons la suite lors du prochain enseignement. Nous rentrons dans une nouvelle année et puisque c’est une nouvelle année, il est bien d’avoir un nouvel esprit. Si nous avons ce genre de défauts, c’est que nous n’avons pas un esprit neuf, mais pour commencer une nouvelle année, c’est bien d’avoir un nouvel esprit.