Accueil > Cours > Cours en ligne > Les préliminaires du dzogchen > Pratique de Vajrasattva (Dorjé Sempa)- 1/2

Pratique de Vajrasattva (Dorjé Sempa)- 1/2

Enseignement de Chépa Dorjé Rinpoché à Paris le 27 novembre 2002

Aujourd’hui nous allons voir la pratique de Dorjé Sempa qui permet de dissiper l’ensemble des fautes et des voiles. La pratique de Dorjé Sempa permet de confesser, de regretter l’ensemble de toutes les émotions perturbatrices sans absolument aucune exception. D’une manière générale, l’ensemble de tous les enseignements du Bouddha sont innombrables de façon à pouvoir justement dissiper toutes les émotions perturbatrices. De toutes ces méthodes, la méthode la plus facile, la plus incommensurable, est la pratique de Dorjé Sempa.

 Que signifie purifier ?

Cela signifie ne plus avoir ces conceptions d’être ou de ne pas être, d’avoir ou de ne pas avoir, afin d’être dans la nature véritable de l’esprit, mais en réalité, actuellement, nous n’avons pas la possibilité de réaliser cet état de la nature de l’esprit. Pourquoi ne pouvons-nous pas réaliser cet état ? Parce que nous avons toutes sortes d’émotions perturbatrices.

Quand nous parlons des Bouddhas des trois temps, les Bouddhas du passé, du présent et du futur, le cœur, l’essence même de l’ensemble de tous ces Bouddhas n’est rien d’autre que Dorjé Sempa. Ces émotions concernent plus particulièrement tous les endommagements que nous avons pu effectuer au niveau des engagements du Vajrayana dont la figure principale est Dorjé Sempa.

Nous sommes semblables à quelqu’un de très malade qui aurait besoin d’un sublime médecin pour être soigné. Toutes ces émotions perturbatrices sont la cause de notre maladie. Dorjé Sempa est le meilleur médecin qui soit pour que cette maladie des émotions perturbatrices soit guérie. Nous allons effectuer des souhaits pour que Dorjé Sempa ce médecin sublime, puisse nous permettre de nous libérer de la maladie des émotions perturbatrices.

Cela concerne non seulement les émotions perturbatrices mais aussi la sorcellerie, les envoûtements, la magie noire, qui ne pourront plus nous nuire. Car à partir du moment où nous avons complètement purifié l’ensemble de notre karma, nous n’en avons plus. C’est-à-dire qu’il n’y a plus aucun karma qui doive parvenir à son mûrissement. Cela concerne aussi toutes les nuisances, toutes les peurs. C’est la raison pour laquelle nous pouvons prendre Dorjé Sempa comme Yidam [1]. Il est dit que le méditant qui pratique Dorjé Sempa a une grande connaissance.

Dans la méditation de Dorjé Sempa, il y a trois aspects, l’aspect extérieur, l’aspect intérieur et l’aspect secret.

L’aspect extérieur est la visualisation de Dorjé Sempa au sommet de notre tête, l’aspect intérieur est de le visualiser au niveau du cœur. L’aspect secret est de le visualiser à la fois au sommet de la tête, au niveau de la gorge et au niveau du cœur.

Il y a aussi l’aspect sur-secret, qui est la réalisation de Rigpa, c’est-à-dire la réalisation de la Connaissance.

Le texte dit pour commencer : « Nous sommes sous notre aspect ordinaire ». C’est-à-dire que nous n’allons pas nous visualiser sous l’aspect d’une divinité masculine ou féminine, mais bien sous notre propre aspect ordinaire avec notre corps actuel, avec toutes nos émotions et nos fautes.

Au sommet de notre tête, à la hauteur d’une coudée, se trouve un lotus blanc ainsi qu’un disque de lune au centre duquel il y a la lettre Houng de couleur blanche, qui irradie d’une lumière éclatante. En un instant cette lumière et la lettre Houng deviennent le Lama Dorjé Sempa.

Pourquoi l’appelle-t-on Lama Dorjé Sempa ? Il est appelé ainsi parce que le Lama est la réunion, l’essence de l’ensemble de tous les Bouddhas. En essence, il est notre propre Lama sous l’aspect de Dorjé Sempa.

 Pourquoi nous ne nous visualisons pas directement sous l’aspect de Dorjé Sempa ? Pourquoi visualisons-nous notre Lama sous l’aspect de Dorjé Sempa ?

Nous faisons ainsi parce que notre Lama racine représente la réunion de la compassion de l’esprit éveillé de l’ensemble de tous les Bouddhas, c’est-à-dire qu’il est la bénédiction, la grâce de la compassion éveillée. C’est pourquoi nous méditons sa présence. En essence, il est notre Lama sous l’aspect du Corps de Jouissance, le Sambhogakâya, il est paré de tous les ornements précieux, paré de soieries et de bijoux, et il est très beau. Dorjé Sempa est blanc, semblable à de la neige, brillant comme le rassemblement de l’énergie d’un million de soleils condensés en un soleil, ses rayons, lorsqu’ils touchent la neige, produisent une grande réverbération, un grand éclat. C’est ainsi que nous devons l’imaginer.

Il a deux bras, comme nous, il a un visage et il croise les deux jambes en posture adamantine. Il enlace Nyema Karmo. Au niveau du cœur, il tient un Vajra à cinq pointes dans la main droite et une cloche dans la main gauche au niveau de l’aine.

Le Vajra représente l’immuabilité, au sens où la vacuité de l’esprit est un état immuable. Le Vajra est le symbole de cet état immuable de la vacuité de l’esprit. Le Vajra est la Connaissance-Vacuité ou Clarté-Vacuité. Regardez, ce Vajra que je vous montre est visible, nous pouvons le voir, cependant il est vacuité. Notre esprit est exactement pareil, toutes sortes de pensées peuvent émerger, se déployer, cependant toutes ces pensées sont vides.

Toutes sortes de pensées de bonheur ou de souffrance viennent à l’esprit, mais toutes ces pensées sont vacuité. Comme nous n’en avons pas la reconnaissance nous en avons peur ! En reconnaissant la vacuité, nous n’avons plus à avoir peur de toutes ces pensées qui émergent.

Depuis des temps sans commencement, notre esprit est Clarté-Vacuité. Il n’est pas nécessaire de méditer sur la Vacuité, il n’est pas nécessaire de méditer sur la Clarté, cet état est toujours présent depuis des temps sans commencement, et le Vajra est le symbole de cet état.

 Pourquoi Dorjé Sempa tient-il un Vajra à cinq branches ?

Parce que la vacuité n’est pas vacuité seulement, où il n’y a rien. La vacuité est clarté, parée des Cinq Sagesses, les cinq pointes du Vajra représentent la nature même de l’esprit, c’est-à-dire les cinq Sagesses.

Nous avons vu que Dorjé Sempa tenait dans sa main droite un Vajra à cinq branches et une cloche dans sa main gauche. Que nous parlions du Vajra ou de la cloche, le sens est exactement le même parce qu’il s’agit de l’esprit éveillé du Bouddha et que l’esprit éveillé du Bouddha n’a qu’un seul sens. Le Vajra à cinq pointes n’est rien d’autre que la Connaissance-Vacuité, Rig-Tong. Cela signifie que l’objet est la connaissance et que la vacuité est la nature même de l’objet.

Nous voyons un objet, c’est la connaissance ; la nature même de cet objet n’est rien d’autre que la vacuité.

Quand nous parlons de la cloche, nous disons qu’elle est Apparence-Vacuité, Nan-Tong, le sens est le même. Que faut-il comprendre ?

Il faut comprendre véritablement que tout est Connaissance-Vacuité. Il faut comprendre à la fois ce qu’est la Connaissance-Vacuité et comprendre véritablement ce qu’est l’Apparence-Vacuité. Quand il y a le Vajra, il y a Connaissance-Vacuité, quand il y a la cloche, il y a Apparence-Vacuité. Cela signifie que l’ensemble de ces phénomènes n’est rien d’autre qu’Apparence-Vacuité. Le Lama, lui-même, n’est rien d’autre que Connaissance-Vacuité, Apparence-Vacuité.

 Différence entre Rig-Tong, Connaissance-Vacuité, et Nan-Tong, Apparence-Vacuité ?

La Connaissance-Vacuité, c’est ce que nous voyons ; cette connaissance est en elle-même Vacuité. L’Apparence-Vacuité, c’est voir que la nature même des apparences est vacuité. Nous pouvons dire aussi que la clarté et la vacuité sont indifférenciées. Ces différents termes que nous trouvons en tibétain ont le même sens.

 Qui est indifférenciation de la clarté et de la vacuité ? Qui voit l’apparence du Vajra ?

Ce n’est rien d’autre que notre esprit, n’est-ce pas ! Oui, c’est notre propre esprit qui voit l’apparence du Vajra. Et notre propre esprit, qui voit ou crée l’apparence, est par nature vacuité. C’est pourquoi nous disons que l’apparence est vacuité et que la vacuité est apparence. La nature de notre esprit est exactement pareille. Lorsque nous avons réalisé la nature vide de notre esprit, notre esprit est semblable à un Vajra. Il est immuable parce qu’il est vacuité.

 Pourquoi Dorjé Sempa tient-il le Vajra ?

Il tient le Vajra pour symboliser que nous devons réaliser l’Apparence-Vacuité. Lui-même a réalisé cet état d’Apparence-Vacuité, il détient le Vajra et nous fait comprendre : « Votre esprit est ainsi, il est semblable au Vajra ».

 Pourquoi Dorjé Sempa enlace-t-il sa parèdre en union ? Quel en est le sens ?

Cet aspect symbolise la Félicité-Vacuité, c’est symbolique. Cela ne signifie pas qu’il aime sa parèdre, mais que cette union permet d’obtenir la reconnaissance de la félicité dont la nature même n’est rien d’autre que la vacuité.

Nyema Karmo, l’épouse de Dorjé Sempa, tient dans la main droite une lame recourbée, un trikou, signifiant qu’elle a coupé la naissance et la mort, c’est-à-dire qu’elle a obtenu l’état au-delà de la naissance et de la mort.

Dans la main gauche, elle tient un kapala rempli de nectar, le kapala est une calotte crânienne, c’est quelque chose de naturel. Cet aspect naturel nous montre que la Félicité-Vacuité est naturelle et que cet aspect de la Félicité-Vacuité n’est rien d’autre que l’accomplissement. En réalité, le nectar, c’est l’accomplissement.

Nous poursuivons la visualisation de Dorjé Sempa en disant qu’il est paré des différents ornements. Vous pouvez, peut-être, vous procurer une représentation de Dorjé Sempa où vous verrez les différents joyaux qu’il porte.

Vous devez méditer qu’au-dessus de votre tête se trouve un lotus blanc sur lequel se trouve Dorjé Sempa. C’est ainsi qu’il faut le visualiser. Ne le méditez pas comme une photo, une représentation, comme une pierre, faite d’une matière dure ou concrète. Vous devez le méditer dans sa nature même de non-réalité ; vous devez méditer son corps lumineux comme un arc-en-ciel.

Quand nous parlons de la non-réalité de Dorjé Sempa, ne pensez pas qu’il est juste vide et qu’il n’a pas de vie, il n’en est pas ainsi car il possède toutes les qualités de compassion, d’amour vis-à-vis de l’ensemble de tous les êtres. Il possède la Sagesse, la Connaissance Primordiale qui permet d’aider l’ensemble de tous les êtres. L’amour, la compassion, la douceur de Dorjé Sempa sont semblables à la douceur de l’amour et à la compassion d’une mère pour son enfant. Sauf que la mère, vis-à-vis de ses enfants, peut ressentir un amour différent selon ses enfants ! Dorjé Sempa n’est pas ainsi, son amour est semblable pour l’ensemble de tous les êtres car Dorjé Sempa pense véritablement à l’ensemble de tous les êtres.

Au début de la méditation, nous devons penser que notre corps est noir dans le sens que nous sommes remplis des 84 000 sortes d’émotions perturbatrices. C’est important de reconnaître dans un premier temps la souffrance du Samsara. Grâce à cette reconnaissance, nous pourrons éprouver une sorte de renoncement à toutes ces émotions perturbatrices. Grâce à cela, parce que nous aurons la reconnaissance de toute la souffrance qui se trouve dans le Samsara, nous nous adresserons à Dorjé Sempa et réciterons son mantra.

 Pouvoir réaliser l’état de l’esprit éveillé du Bouddha est très difficile pour nous, pourquoi cela ?

Parce que nous n’avons pas une bonne compréhension du renoncement au Samsara ni de la souffrance du Samsara. À cause de cela, nous ne pouvons pas atteindre cet état ni le réaliser.

Un grand Lama Kagyupa a dit ceci :

Afin de pouvoir suivre le chemin de la libération, il est nécessaire au départ d’avoir une bonne compréhension de la nature même du Samsara et d’en éprouver un véritable renoncement.

Grâce à cela, et sur cette base, nous pourrons penser à la libération et finalement, nous pourrons réaliser l’état d’éveil du parfait Bouddha. Quand nous commençons à penser aux souffrances du Samsara, le fait même d’y penser fait que très rapidement des difficultés apparaissent. Quand elles apparaissent, nous ne souhaitons pas penser à ça, nous disons que penser à cela n’a pas de sens. Pourtant cela a un sens ! Car si nous réfléchissons véritablement à la nature même de la souffrance du Samsara, nous allons finalement avoir vraiment envie de nous sortir de là et d’atteindre la libération, jour et nuit, nous allons vraiment avoir envie de sortir de cet état, et ainsi nous allons parcourir le chemin qui mène à la réalisation.

En général nous en parlons en disant que nous aimerions sortir du Samsara et atteindre la libération, mais au fur et à mesure du temps qui passe, nous attendons et nous recherchons tous les bonheurs temporaires.

Quoi qu’il en soit, donc, il est bien de penser et de se dire :
Je vais méditer Dorjé Sempa afin de pouvoir véritablement comprendre la souffrance du Samsara.

Nous allons adresser une telle prière à Dorjé Sempa en visualisant qu’en son cœur se trouve la lettre Houng et qu’autour d’elle le mantra de cent syllabes tourne dans le sens des aiguilles d’une montre. En récitant le mantra nous allons poursuivre la visualisation. Lorsque le mantra va tourner dans le cœur de Dorjé Sempa et de son épouse, de la félicité, de la joie, de l’exaltation apparaîtront. Ainsi le nectar du mantra, en s’écoulant, sortira de l’endroit de leur union pour venir emplir complètement tout notre corps. D’abord il s’écoule en imprégnant le siège de lotus, de lune, et coule ensuite tout le long de la tige du lotus pour finalement rentrer par le sommet de notre tête.

À ce moment-là, lorsque le nectar entre dans notre corps, nous devons penser que toutes les fautes, tous les voiles, toutes les émotions perturbatrices sont expulsés à l’extérieur sous la forme de fumée grise, de suie et, pour les fumeurs, sous la forme de nicotine. Toutes ces impuretés sont expulsées à travers tous les pores de notre peau et par tous les orifices de notre corps et descendent jusque dans les profondeurs de la terre.

Dans les profondeurs de la terre se trouve Yama, sous la forme d’un taureau. Comme sa gueule est ouverte, nous devons penser qu’il reçoit l’ensemble de tout cela et que son esprit est ainsi complètement satisfait parce qu’il reçoit comme nous-même nous l’avons reçue, toute la bénédiction, toute la grâce de Dorjé Sempa. À ce moment-là, nous devons penser qu’ainsi, toutes nos dettes karmiques sont complètement effacées.

De nouveau nous allons réciter le mantra de cent syllabes et puis, de nouveau, le nectar va s’écouler et entrer par le sommet de notre tête et va remplir tout notre corps. En remplissant complètement tout notre corps, nous recevons toute la bénédiction de Dorjé Sempa, celle de l’apparence pure, et nous sommes dans l’apparence pure.

Si vous avez envie de pratiquer la méditation de Dorjé Sempa, pratiquez-la !

Suite de l’enseignement


[1Divinité de méditation