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Enseignement

Le bardo du rêve - 8/12

Chépa Dorjé Rinpoché - Paris, le 12 avril 2001.

Nous devons penser que nous allons écouter maintenant cet enseignement pour pouvoir libérer l’ensemble de tous les êtres qui sont actuellement dans la souffrance du samsara – tous ces êtres qui ont été nos pères et nos mères et dont le nombre est aussi vaste que vaste est l’espace.

Dans l’enseignement précédent, quelqu’un avait posé la question de savoir ce qu’était véritablement la prise de conscience (le renoncement).

Il est important de parler de la prise de conscience et de l’Esprit d’Eveil car le Dharma ne peut pas apparaître et se développer sans cette prise de conscience et cet Esprit d’Eveil. Dans le Dharma il y a les trois aspects principaux. Cela vient d’un disciple de Djampel Yang. Dans la tradition Gelugpa, le nom de ce disciple était Djé Rinpoché (Djé Tsongkhapa). C’est Djé Rinpoché qui a parlé de ces trois aspects principaux du Dharma. Ces trois aspects sont :

1. la Prise de conscience

2. l’Esprit d’Eveil,

3. la Vue parfaitement pure.

Tout d’abord, il y a cette prise de conscience (le renoncement). Nous devons y entraîner notre esprit. Nous allons reconnaître la souffrance du samsara et puisque nous n’aimons pas cette souffrance, nous allons renoncer au samsara. Parce que toutes les activités mondaines du samsara sont sans fin. Aujourd’hui, nous avons une activité mondaine, demain nous en aurons une autre, après-demain encore une autre, etc. C’est sans fin. Et puisque c’est sans fin, il y a de la souffrance.

Pourquoi y a-t-il de la souffrance dans les activités de ce monde ?

Parce que quoique nous puissions obtenir nous en avons de la saisie. Plus nous avons de la saisie, plus cette saisie s’accroît, plus elle devient vaste. C’est grâce à notre esprit humain que nous avons la possibilité de connaître cette souffrance. La compréhension de cette souffrance permet de pratiquer le Dharma.

Il est dit que dans les trois mondes inférieurs, il n’y a pas cette possibilité. Dans le monde des enfers, les êtres vivent la souffrance du chaud et du froid. C’est une souffrance telle qu’ils n’ont pas la possibilité de pratiquer le Dharma. Dans le monde des esprits avides, la souffrance est celle de la faim et de la soif. Ils n’ont pas non plus la possibilité de pratiquer le Dharma. Dans le monde animal, ils sont sous l’emprise de l’opacité mentale : la souffrance sera de s’entredévorer les uns les autres. Dans le monde des demi-dieux, ils sont en perpétuelle querelle, c’est pour cela qu’ils expérimentent les souffrances des conflits, des guerres. Dans le monde des dieux, ils ont une longue vie et sont heureux donc ils ne pensent pas non plus à pratiquer le Dharma.

C’est pour cela que c’est vraiment dans notre monde humain que nous avons la possibilité de savoir ce qui est bon et ce qui est mauvais que nous avons donc l’intelligence ou la capacité de reconnaître cela et de pouvoir pratiquer le Dharma.
Dans le monde humain, pour celui qui a la possibilité de voir, peut reconnaître cette souffrance et reconnaître qu’à partir du moment où il est dans la saisie, de la souffrance va apparaître. Il en aura l’expérience. C’est à cause de cette expérience que son esprit sera triste : il reconnaitra que la souffrance apparaît dans ce samsara à cause de la saisie. A partir de ce moment où il aura cette prise de conscience de la nature véritable du samsara il voudra en être séparé.

Dans notre monde, dans le samsara, les êtres ordinaires vont d’abord expérimenter le bonheur et à la fin, vont expérimenter de la souffrance. Pour un véritable pratiquant du Dharma, il y aura tout d’abord la souffrance pour aboutir à la fin au bonheur. Ces deux êtres sont à l’opposé, littéralement « la tête à l’envers ». Les deux états d’esprit sont contraires.

Qu’est-ce que cela veut dire ?

Le pratiquant du Dharma doit tout d’abord reconnaître tous les défauts du samsara. C’est une étape difficile et il expérimente des difficultés. Ensuite, il va s’entraîner. Durant l’entraînement de l’esprit, puisque c’est un entraînement qu’il faut effectuer, il va rencontrer différents obstacles sur le chemin. Il va là encore souffrir dans son esprit. Mais à la fin, quand cet entraînement de l’esprit sera terminé, il obtiendra véritablement le bonheur, la félicité et toutes les souffrances seront complètement dissipées.

Par contre un être ordinaire, un être qui n’est pas engagé dans un chemin spirituel, voudra gagner de l’argent par son travail. Il va gagner de l’argent, il va être heureux, avoir du bonheur. Mais à la fin quand il n’aura plus cet argent il expérimentera une très grande souffrance. Ou encore entre un homme et une femme tout d’abord il y a du plaisir, du bonheur, mais peut-être qu’à la fin beaucoup de de souffrances.

C’est pour cela qu’il faut réfléchir aux souffrances du samsara, aux souffrances du monde humain, c’est-à-dire aux quatre grandes souffrances : la naissance, la vieillesse, la maladie et la mort. Tout d’abord nous naissons et cela fait souffrir. Ensuite nous vieillissons, puis nous expérimentons la maladie et pour finir nous mourrons. A à force de réfléchir sur les souffrances du samsara et sur les souffrances du monde humain, nous allons avoir une prise de conscience quant à toutes ces activités mondaines, à ces activités de notre monde. Ensuite nous voudrons pratiquer le Dharma.

La prise de conscience, c’est vraiment cela. Nous pouvons reconnaître que ces quatre souffrances sont véritables. Nous les vivons dès que nous sortons de la matrice de la mère. Dès que nous naissons, nous commençons à vieillir. Nous voyons un enfant se développer et nous sommes très heureux de le voir grandir. Nous disons :
- « C’est bien, il grandit ! ».

Mais en fait, cela montre qu’il vieillit. Et puis en vieillissant, nous tombons malades. Nous sommes malades et cela jusqu’à la mort. Si nous réfléchissons bien, c’est quelque chose qui est inéluctable, c’est quelque chose que tous, nous pourrons vivre.

Il y a un pratiquant qui a dit que l’Inde est un noble pays. Le nom qui désigne l’Inde en tibétain signifie « Noble Pays ». Ce pratiquant disait que l’Inde est un noble pays car à partir du moment où nous sortions de la matrice de notre mère, nous savions que nous allions mourir. Alors que dans d’autres pays, nous pensons qu’à partir du moment où nous naissons, nous ne pourrons jamais mourir, que nous sommes immortels.

Cette prise de conscience devient un renoncement parfaitement pur quand nous réfléchissons à la souffrance du samsara, au fait que le samsara n’a pas d’essence, n’a pas de sens. Si nous avons une compréhension véritable de cela, nous avons moins de saisie. Nous n’avons pas la saisie de devenir quelqu’un de grand, nous n’avons pas la saisie de devenir quelqu’un de riche, nous n’avons pas la saisie de devenir quelqu’un de puissant, parce que nous reconnaissons véritablement l’essence du samsara et que justement, il n’y a pas de cœur véritable dans le samsara.

C’est grâce à cela que cette prise de conscience parfaitement pure naît dans notre esprit et que nous désirons véritablement pratiquer le Dharma.

Quand nous disons que quelqu’un peut atteindre ce renoncement parfaitement pur, cela ne veut pas dire que nous sommes Bouddha. Parce qu’en fait, nous n’avons pas l’Esprit de l’Éveil parfaitement pur, cet esprit très vaste qu’est l’Esprit d’Eveil. Il y a ceux qui s’appellent les Auditeurs et les Pratyekabouddhas, c’est-à-dire les bouddhas-par-eux-mêmes. Ces êtres vivaient au temps du Bouddha mais ils n’ont pas atteint l’état de Bouddha parce que justement ces Auditeurs et ces Pratyekabouddhas n’avaient pas cet Esprit d’Éveil, ils n’avaient pas cet esprit très vaste.
Le Bouddha a atteint l’Etat d’Eveil parce qu’il a eu le désir, la motivation de pratiquer pour pouvoir établir l’ensemble de tous les êtres en cet état d’éveil, alors que les Auditeurs et les Pratyekabouddhas le faisaient uniquement pour eux-mêmes.

Il y avait de nombreux êtres en Inde ou au Tibet – moi-même je n’ai pas vu ces êtres mais ma mère en a vu – qui n’avaient pas besoin de manger, ni de se vêtir. Ils restaient en absorption méditative, dans un état très fort de non-pensée mais ils n’atteignaient pas l’éveil. Ils restaient dans cet état d’absorption méditative durant de très nombreuses années. C’est à peu près comme s’ils restaient dans un état de Chiné, dans un état de pacification mentale.

Je pense qu’il faut faire attention car il est tout à fait possible de rester dans cet état de pacification mentale. Dans cet état nous nous disons
- « Je suis tellement bien ! ».

Nous pouvons méditer deux ou trois heures et avoir l’impression que quelques minutes se sont écoulées. Le temps n’existe plus. Là il faut faire attention. Si on n’a pas la Vue Parfaitement Pure il peut émerger certains dangers. C’est pour cela qu’il faut penser que nous pratiquons pour pouvoir libérer l’ensemble de tous les êtres qui sont dans la souffrance du samsara et dont le nombre est aussi vaste que vaste est l’espace.
D’avoir cette pensée va permettre, lorsque nous trouvons dans un certain bonheur ou une certaine félicité pendant la pratique, de ne pas rester dans cet état.

Nous avons donc vu les deux premiers aspects de ces points principaux :

1. la prise de conscience parfaitement pure,

2. l’Esprit d’Eveil parfaitement pur.

Il restera la Vue Parfaitement Pure à voir. Nous la verrons la semaine prochaine car nous devons continuer les instructions sur les six Bardos.

Pour les débutant que nous sommes afin de pour pouvoir recevoir véritablement cet enseignement sur les six Bardos, en premier lieu il est important d’avoir une compréhension du Renoncement parfaitement pur et de l’Esprit d’Eveil.

Nous en sommes maintenant au Bardo du Rêve.

Nous en étions arrivés au fait que certaines personnes pouvaient pratiquer le Dharma et que par la suite, pouvaient abandonner le Dharma.

C’est quelque chose de très courant au Tibet. Je ne sais pas, peut-être qu’en France, ce n’est pas quelque chose qui peut arriver, en tout cas, au Tibet, c’est très fréquent. Nous disons dans le texte que nous pouvons tout d’abord commencer à pratiquer le Dharma et puis à un moment donné ou à un autre, nous allons abandonner cette pratique du Dharma. Nous allons avoir une prise de conscience, comme nous venons de le voir, mais nous n’allons pas engendrer l’Esprit d’Eveil. Si nous n’avons pas l’Esprit d’Eveil, cette pratique du Dharma ne va pas être stable tout comme une barque instable sur l’eau. Cet individu n’aura pas une vraie compréhension du Dharma. Cet individu peut se retirer dans les montagnes et pratiquer, se mettre en retraite un an, deux ans, trois ans, six ans, neuf ans mais il n’aura pas abandonné les activités de ce monde pour autant car il n’aura pas abandonné la saisie.

Il est tout à fait possible qu’en France des personnes disent :
- « Abandonner l’activité mondaine ? Mais pourquoi ? Pourquoi abandonner l’activité mondaine ? ».

A cause de la saisie, de l’attachement aux activités, aux apparences de notre monde. Même si nous pratiquons le Dharma, puisque encore et encore nous sommes attachés aux actes de notre monde, aux apparences de notre monde, même si auparavant nous avons pratiqué le Dharma nous allons à un moment donné saisir ces activités du monde. Nous abandonnerons le Dharma et la pratique du Dharma.

Même si nous voyons d’autres personnes qui veulent pratiquer le Dharma, nous nous diront :
- « Elles font exactement comme je l’ai fais, puis elles abandonnerons le Dharma, tout comme moi. ».

En fait, nous n’allons pas transformer quelque chose dans notre esprit vers le Dharma, c’est-à-dire que nous n’aurons pas l’apparence pure ou la vision pure, c’est-à-dire nous n’aurons ni la dévotion pour le Dharma, ni la vision pure. Ce serait comme s’il y avait une personne qui pratiquait le Dharma et une autre personne qui aurait pratiqué le Dharma puis l’aurait abandonné. La première personne dirait :
- « Reprends le Dharma ! Re-pratique le Dharma, c’est bien ! ».

La personne qui a abandonné se dirait :
- « Elle pense çà aujourd’hui parce que c’est le début, mais au bout d’un moment, elle fera exactement comme moi, elle abandonnera le Dharma... ».

Elle ne pourra pas développer cette vision pure, cette dévotion, cette foi.

C’est pour ça que nous devons faire très attention ! Examinons notre esprit le matin, l’après-midi et le soir. Le matin nous pouvons avoir un certain état d’esprit et cet état d’esprit peut changer l’après-midi. Regarder ce changement et se dire :
- « Mon esprit est en train de changer. Cela ne va pas. Je dois développer à nouveau en mon esprit l’écoute, la réflexion et la méditation. Je dois développer la vision pure, la foi, la confiance, la dévotion envers le Dharma ! ».

C’est pour cela que nous disons qu’il y a des obstacles dans le Dharma, dans le Bouddhisme. Il faut faire attention.

Nous pouvons pratiquer le matin et si nous le pouvons, pratiquer aussi un petit peu le soir. Ainsi notre esprit ne changera pas. Si nous nous donnons une heure pour pratiquer et que nous ne pratiquons pas. Si nous restons tranquillement ainsi en laissant passer cette heure nous penserons que peut-être, de cette manière, petit à petit, notre esprit va se transformer. En fait notre esprit va se détourner. C’est un danger auquel il faut faire attention.

Il peut aussi arriver que parfois nous ne reconnaissions pas cette transformation de notre esprit parce que nous sommes dans l’ignorance. Il faut vraiment examiner avec attention notre esprit.

Par exemple, il peut arriver que nous ayons un ami et qu’un jour, il ne soit plus notre ami. Nous examinons et voyons alors que notre esprit a changé, que nous avons parlé de cette personne, qu’elle a pu être blessée, et que cela a transformé la relation. En examinant véritablement notre esprit et les actes que nous effectuons, nous pouvons reconnaître que notre esprit est en train de changer.

Il peut arriver encore que nous aimions les gens qui pratiquent le Dharma mais pas les personnes qui ne pratiquent pas le Dharma. Là encore il faut examiner son esprit car nous développons un certain orgueil en tant que pratiquant du Dharma. Cette manière n’est pas correcte. Nous devons en développer de la joie dans notre esprit envers toute personne qui pratique un chemin spirituel quel qu’il soit. Il faut examiner notre esprit pour développer cette joie et être heureux que toute personne puisse pratiquer un chemin spirituel. Nous pouvons développer ainsi à l’intérieur de notre esprit, de la joie, de la confiance, de la dévotion et quelque chose de stable.

Il y a beaucoup de bouddhistes qui commettent des erreurs à ce niveau-là. Il y a beaucoup de pratiquants du Dharma qui commettent des erreurs. Ils se disent :
- « Moi, je suis Bouddhiste ! ».

Ils développent un très grand orgueil, alors que l’enseignement du Bouddha, c’est justement ne plus avoir d’orgueil. Si nous examinons notre esprit nous voyons qu’au lieu d’être réellement dans le Dharma, d’être réellement bouddhiste, nous nous en détournons et nous sommes en contradiction avec l’enseignement du Bouddha. Si nous avons de l’orgueil, de la jalousie, du désir, de l’attachement dans notre esprit, nous ne pourrons pas reconnaître que nous sommes dans un rêve. Parce que les rêves sont des tendances fondamentales et ce sont les tendances fondamentales de la journée.

Comment pouvons-nous saisir et reconnaître que nous sommes dans un rêve, si nous avons ces tendances fondamentales ?

Il est important durant la journée d’avoir le rappel de se dire :
- « C’est comme dans un rêve, tout est semblable à un rêve... ».

Faire le souhait de penser que nous allons reconnaître la nuit que nous sommes dans un rêve tout comme nous reconnaissons dans la journée que nous sommes dans un rêve.

Nous avons vu la dernière fois qu’il pouvait y avoir des obstacles la nuit pour reconnaître le rêve. Un des obstacles, c’est de ne pas pouvoir dormir. il faut alors visualiser en notre cœur une sphère noire et rester détendu.

Il est dit que si nous reconnaissons durant sept fois que nous sommes dans un rêve, qu’il n’y a plus de Bardo, d’état intermédiaire, que nous sommes libérés de ce Bardo.

Si nous reconnaissons le rêve, les peurs que nous pouvons avoir dans ce rêve vont complètement disparaître. Nous allons avoir peur mais nous nous diront :
- « Mais je suis en train de rêver ! ».

Cette peur va s’évanouir. Même si nous allons dans les enfers, si nous y rencontrons un être des enfers, nous allons d’abord avoir peur, mais comme nous reconnaissons qu’en fait nous sommes dans un rêve, cette peur va se libérer.

Quand nous parlons des enfers, nous parlons de la souffrance. Les enfers, c’est la souffrance. De pouvoir reconnaître que nous sommes dans un rêve, que nous sommes dans cet état intermédiaire, cela va nous permettre de nous libérer véritablement de cette souffrance et donc de cette peur.

Dans la méditation, c’est pareil. Nous devons reconnaître dans notre méditation que ce n’est qu’un rêve, car si nous saisissons très fortement cette méditation, cette méditation devient une illusion. Parfois, dans la méditation, nous saisissons tellement la méditation, il y a tellement peu de détente que nous ne pouvons pas nous libérer. C’est pour cela que nous disons qu’il faut être détendu, c’est-à-dire ne plus avoir de saisie.

Donc, maintenant, nous allons méditer…