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Enseignement

Le bardo du rêve - 6/12

Chépa Dorjé Rinpoché - Paris, le 5 avril 2001.

Nous devons penser que nous allons écouter cet enseignement pour pouvoir libérer l’ensemble de tous les êtres qui ont tous été nos pères et nos mères et dont le nombre est aussi vaste que vaste est l’espace. Tout d’abord, il est important de faire naître en nous cet Esprit d’Éveil et pour cela, il y a différents moyens. Ces moyens puissants sont donnés par un Lama. Pour pouvoir développer en nous cet esprit de l’éveil, il est nécessaire d’avoir la motivation. Nous avons parlé un petit peu de cette motivation la dernière fois.

Il y a deux motivations à abandonner :

La première motivation, c’est se dire « je veux quelque chose pour moi ».

Il faut abandonner la motivation de souhaiter se protéger de ce tout qui peut nous arriver dans la vie. Si nous pensons que nous n’aurons plus de maladies en pratiquant, que nous serons protégés des circonstances néfastes, que nous serons en paix, si nous souhaitons toutes ces choses uniquement pour nous-mêmes, nous n’avons pas un esprit vaste. Si dans une période difficile nous nous mettons à réciter des mantras, à écouter les enseignements du Dharma et à méditer, cela ne va pas. C’est ce qui s’appelle « se protéger soi-même ». Quand nous pensons à protéger nos proches, cela fait encore partie de cette motivation de protection.

La deuxième motivation, c’est la motivation du désir.

Nous désirons gagner de l’argent, nous désirons obtenir toutes sortes de choses... Là encore, nous allons réciter des mantras ou pratiquer le Dharma. C’est la motivation de désirer très fortement quelque chose, de vouloir obtenir quelque chose. Il y a beaucoup de pratiquants du bouddhisme qui agissent de cette manière. Si nous désirons obtenir quelque chose grâce au Dharma, il s’agit de la motivation du désir. Si nous nous disons : « J’ai envie d’obtenir ce travail et pour que cela se réalise, je vais me mettre à pratiquer le Dharma. ». C’est la motivation du désir.

Ces deux sortes de motivation sont liées à une activité mondaine. En tibétain le monde se dit djigten. Djig veut dire détruire. Cela veut dire qu’un jour tout sera détruit. Quoique nous puissions désirer, un jour cela se terminera. C’est pour cela qu’il faut mettre de côté ces deux sortes de motivation : la motivation du désir et la motivation de protection.

Nous avons vu aussi qu’il y avait la motivation qui ne reste pas dans notre esprit, c’est-à-dire nous pouvons avoir une bonne motivation mais que l’instant d’après nous n’y pensons plus.

Il faut comprendre que nous avons besoin de l’Esprit d’Éveil. Nous avons besoin de cette motivation de l’éveil.

Il y a deux sortes de motivation de l’éveil. Il y a la motivation du petit véhicule et la motivation du grand véhicule. Si nous avons la compréhension des souffrances des enfers et que nous voulons être libérés de ces enfers, c’est ce que nous appelons la motivation du petit véhicule.

Nous pouvons trouver trois sortes de véhicules :
– Le véhicule fondamental, le Hinayana ;
– Le grand véhicule, le Mahayana ;
– Le véhicule du Vajrayana, ou mantra secret.

La première motivation fait référence au véhicule fondamental. Nous voulons abandonner l’activité mondaine parce que nous avons la compréhension de la souffrance des enfers, et des enfers seuls, nous désirons alors pratiquer le Dharma. C’est correct. Il y a les trois mondes inférieurs :

 le monde des enfers,
 le monde des esprits avides,
 et le monde animal.

Avoir la compréhension des souffrances que ces êtres peuvent expérimenter permet de prendre les vœux de moine. Nous allons avoir une grande éthique et pratiquer le Dharma pour pouvoir nous libérer de ces souffrances.

La deuxième motivation est celle du Grand Véhicule. Nous avons la compréhension des souffrances de l’ensemble du cycle des existences, de l’ensemble du samsara. Nous désirerons obtenir l’état de notre Lama et nous allons méditer les divinités. Nous allons accumuler beaucoup de mérites, mais malgré tout nous allons encore renaître dans le cycle des existences. Nous allons renaître dans le monde des dieux ou dans le monde humain. Nous n’allons pas être libérés du samsara. Nous n’allons pas atteindre le plein état d’éveil, nous n’allons pas pouvoir atteindre l’état de Bouddha car nous avons un esprit étriqué.

En fait, qu’est-ce qui crée la motivation ? C’est notre propre esprit et nous devons donc créer, fabriquer cette motivation à travers notre esprit.

La troisième des motivations est d’avoir l’Esprit d’Eveil.
L’esprit est alors très vaste. Souhaiter le bien d’autrui, faire le bien d’autrui et aussi souhaiter atteindre le plein état de Bouddha, le plein état d’Éveil. C’est penser que nous pouvons obtenir l’éveil, obtenir la sagesse de Bouddha et avoir de la compassion, c’est-à-dire penser au bien d’autrui. A partir de ce moment, notre propre bien est complètement oublié.

Peut-être qu’en France, la plupart des gens pensent que : « Moi, c’est important ! ». Je pense que, peut-être, ce n’est pas si important que cela. Ou bien si « soi » est important, les autres sont importants aussi. Si les autres sont importants, si nous faisons le bien des autres, nous faisons notre propre bien.

Si nous avons un esprit très vaste, notre activité, nos actes seront très vastes et très grands. Si, à l’inverse, nous avons un petit esprit, un esprit étriqué, notre activité, nos actes seront de même étriqués. En fait, c’est comme l’exemple d’un marchand qui aurait une grande boutique. Il ne se demande pas comment il va pouvoir manger. Il ne se pose pas la question car grâce à sa grande boutique, cela vient naturellement.

Quand nous pensons à nous-mêmes : « comment vais-je me nourrir ? Comment vais-je pouvoir m’habiller ? Comment vais-je pouvoir dormir ? » que les difficultés surviennent. A ce moment là, effectivement, nous ne saurons pas où dormir, nous ne saurons pas comment nous vêtir, nous ne saurons pas comment manger et cela sera dû à notre petit esprit.

C’est pour cela que l’Esprit d’Éveil est important. C’est pour cela que la motivation est importante, et c’est ainsi quand nous disons cette phrase : « Puisse l’ensemble de tous les êtres, qui ont été nos pères et nos mères et dont le nombre est aussi vaste que vaste est l’espace… ». Cela fait référence aux autres êtres, c’est-à-dire au bien d’autrui. Lorsque nous souhaitons que l’ensemble de tous les êtres puissent obtenir le plein état de Bouddha, nous pensons qu’ils obtiennent cette sagesse éveillée.

Dans la Prajnaparamita, nous récitons le mantra qui veut dire « aller au-delà ». Si nous obtenons cet état de l’Eveil, cela signifie « aller au-delà », cela signifie obtenir cette sagesse suprême. Si nous voulions résumer en un mot tous les enseignements du Bouddha, nous pourrions dire que c’est la Prajnaparamita, la Grande Sagesse, la Grande Mère de la Sagesse. Le Bouddha a donné un très grand nombre de moyens pour obtenir cette Prajnaparamita. Il a donné 84 000 enseignements.

Dans la Prajnaparamita, nous disons tout d’abord : la Sagesse, l’essence de la Sagesse est vide et vacuité.
La souffrance que notre esprit expérimente, est présente parce qu’il y a la saisie. La Prajnaparamita, la Sagesse, va permettre de reconnaître que cela est vide, que l’essence même de cette sagesse est vacuité. Quand nous avons cette compréhension, la souffrance n’existe plus. C’est grâce à cette sagesse que nous effectuons soit la générosité, soit l’éthique. Ainsi, nous pouvons la réaliser véritablement. Si nous parvenons au but de cette sagesse, si nous la réalisons, toutes les apparences de notre monde sont alors comme un rêve. Nous savons que tout ce qui apparaît en rêve est illusoire. Mais si nous saisissons nos rêves, il n’y a absolument pas de sagesse. Nous savons que ce rêve n’est pas véritable, mais malgré tout nous continuons à le saisir. À cause de cela, nous n’avons pas la possibilité de réaliser cette Paramita de la Sagesse.

Si nous sommes endormis et que nous nous réveillons une heure après et que nous nous mettons à penser à ce que nous avons rêvé, il y a saisie sur le rêve. Nous ne réalisons pas la Sagesse et il n’y a pas la reconnaissance du rêve. Nous ne reconnaissons pas que ce rêve est de nature illusoire. Il va falloir que nous reconnaissions qu’il n’y a aucune différence entre la journée et la nuit : que toutes les apparences qui surviennent, qui surgissent, sont illusoires de jour comme de nuit. A partir du moment où nous reconnaîtrons ceci, il n’y aura plus de saisie, et c’est à cet instant que nous réaliserons cette Sagesse, la Paramita de la Sagesse.

C’est pour cela que nous disons qu’il est important d’avoir la maîtrise du rêve, de reconnaître le rêve. Quand nous aurons la compréhension que nous sommes en train de rêver, nous aurons du pouvoir sur ce rêve : il pourra devenir long, il pourra devenir court. Nous aurons véritablement le pouvoir. Alors nous n’aurons plus de désir, plus d’attachement vis-à-vis de ce rêve.

Il peut se passer encore autre chose. Si nous avons une très forte saisie sur le fait que nous voulons maîtriser le rêve, c’est-à-dire qu’en dormant, nous reconnaissons ce rêve mais que nous avons une très forte saisie sur cette reconnaissance, cela va nous réveiller. Puisque nous nous réveillons, le rêve est fini, la reconnaissance du rêve aussi.
Si dans le rêve, nous nous disons ou nous pensons : « je suis en train de rêver ». Rien que d’y penser risque de nous réveiller. Si ces choses arrivent, ce sont des obstacles à la reconnaissance de notre propre rêve. Nous avons vu que nous devions faire une visualisation au niveau de notre gorge, mais oublions cette visualisation et concentrons-nous au niveau de notre cœur. Si nous avons une très forte saisie sur le rappel cela peut nous empêcher de dormir. C’est une question que nous avions vue la fois précédente. Pour dissiper cet obstacle visualisez soit une lettre ou soit un petit tiglé, une sphère de couleur noire juste au centre de nos deux pieds.

L’obstacle qui peut aussi arriver, est que nous réussissions à réaliser que nous sommes en train de rêver mais la fois d’après nous l’oublions. Cela aussi peut être un obstacle. Nous dormons un tout petit peu, ensuite nous dormons autrement et nous oublions cette reconnaissance. Le moyen pour dissiper cet obstacle sera de se dire dans la journée : « maintenant, je vis comme dans un rêve, rien n’est réel, rien n’a de réalité. Je suis dans un rêve ». Penser de cette manière durant la journée dissipe cet obstacle. Au moment de se coucher nous allons développer ce rappel : « Puissé-je reconnaître que je suis en train de rêver ». Parce qu’en fait cet obstacle montre que nous manquons de vigilance, que nous manquons d’attention.

Ces deux obstacles que nous venons de voir font référence à l’attention, à la vigilance. Le premier obstacle montre que nous sommes trop tendus, que nous avons trop de tensions par rapport à la vigilance, à l’attention. Il va falloir se détendre, détendre notre esprit. Le deuxième obstacle va être trop peu de vigilance et d’attention. Donc il va falloir redévelopper cette attention et cette vigilance.

Maintenant, nous allons méditer quelques instants.