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Le bardo naturel de cette vie - 12/19

Enseignement de Chépa Dorjé Rinpoché - Paris, le 8 février 2001

Maintenant nous allons penser à l’ensemble de tous les êtres dont le nombre est aussi vaste que vaste est l’espace. Nous allons penser que nous allons écouter ces enseignements sur le Bardo pour pouvoir libérer tous les êtres de la souffrance du samsara, tous ces êtres dont le nombre est aussi vaste que vaste est l’espace.
Il nous faut comprendre pourquoi nous faisons le souhait de libérer ces êtres. Nous disons que les êtres sont « aussi vastes que l’espace », cela signifie que le nombre de tous les êtres vivants qui possèdent un esprit est aussi vaste que vaste est l’espace. Cela signifie aussi que la souffrance embrasse tout l’espace.

Qu’est ce que cette souffrance ?

Nous pouvons la voir, l’examiner, même si parfois extérieurement une personne semble aller bien, qu’elle a de l’aisance, qu’elle est bien vêtue, riche, qu’elle semble ne manquer de rien. Si nous examinons cette personne véritablement, à un moment donné ou à un autre, de la souffrance apparaîtra dans son esprit. En fait, tous les êtres à un moment donné ou à un autre vont expérimenter cette souffrance et c’est pour cela que nous devons véritablement développer la pensée que jusqu’à ce que l’ensemble de tous les êtres soient séparés de la souffrance et atteigne l’état de Bouddha, je vais écouter les enseignements et plus particulièrement cet enseignement des six Bardos.

Le Bouddha Sakyamuni a dit que toutes les apparences étaient fabriquées par notre esprit. Que toutes les apparences provenaient de notre propre esprit. Il dit aussi que tout ce qui était construit, tout ce qui était fabriqué était voué à la destruction. Du à la non permanence, la maison que nous construisons, un jour, va se détruire. Nos vêtements, nos lunettes, etc., un jour seront détruits, tout ce qui est construit ou fabriqué sera détruit un jour. Il en est de même pour notre esprit. Comme nous saisissons notre esprit que nous le prenons pour véritable, pour réel, quand il change, nous expérimentons de la souffrance. Nous devons reconnaître que la nature même de notre esprit est vacuité. La nature de notre esprit est dénuée du « je », du « moi ». Comme nous ne reconnaissons pas la nature de notre esprit, nous saisissons notre esprit, nous fabriquons toutes sortes de pensées. Si nous avons la compréhension de la nature véritable de l’esprit, nous pouvons aller au-delà des émotions ou plutôt de ces pensées et nous pouvons obtenir la paix.

L’accumulation du karma, provenant de la loi de cause à effet, vient de nos vies précédentes. Dans cette vie-ci, nous avons obtenu ce corps humain résultat de nos tendances fondamentales accumulées tout au long de notre karma. Nous éprouvons toutes sortes de souffrance avec ce corps. Sur le support même de notre corps, apparaissent le « moi » et le « non-moi », apparaissent les sensations de bien-être ou du mal-être, apparaissent les aspects de bonheur et de souffrance. Précédemment dans l’enseignement, nous avons parlé du souffle de la sagesse et du souffle du karma. La nature même du souffle de la sagesse est bonheur et félicité. La nature même du souffle du karma est souffrance. Il y a donc ces deux souffles, les souffles intérieurs et les souffles extérieurs. Le souffle du karma se trouve à l’extérieur de notre corps, le souffle de la sagesse est à l’intérieur de nos canaux. Le souffle de la sagesse est immuable et stable, le souffle du karma est changeant. Le souffle du karma est le souffle des quatre éléments. Le souffle de la sagesse embrasse l’ensemble de tous les canaux de notre corps. Il y a un lien entre le souffle de la sagesse et le souffle du karma. Et comme le souffle du karma est en relation avec le souffle de la sagesse il va se mettre en conflit.
Il y a aussi la perception des sons agréables ou non agréables ou mélodieux. Nous avons parlé auparavant des différents chakras qui se trouvent au sommet de la tête, au niveau de la gorge, du cœur, au niveau du nombril, au niveau de notre endroit secret. Dans chacun de ces chakras se trouve une syllabe particulière. Dans le chakra du sommet de la tête se trouvent les syllabes Ha, et Ra. Ces deux sons se trouvent dans le cerveau. Dans le chakra de la gorge composé de seize rayons se trouvent les lettres Hri et Tsa. Le chakra du cœur a huit rayons et au niveau de ce chakra se trouvent les lettres Ma et Ri. Au niveau du chakra du nombril à soixante quatre rayons se trouvent les deux lettres Ne et Che. Au niveau de notre endroit secret, il y a les deux lettres Sa et Ya. Ces dix syllabes correspondant ainsi aux cinq chakras. Ces lettres, ces sons quand ils sont à l’intérieur, comme chez des grands méditants ou méditantes, seront perçus comme la vérité ultime mais par contre s’ils sont tournés vers l’extérieur, ils seront perçus comme la vérité relative.

Si nous tournons notre esprit vers l’intérieur, si nous examinons véritablement notre esprit, nous allons pouvoir complètement transformer les circonstances néfastes, c’est à dire le karma négatif. En examinant notre esprit, en tournant l’esprit vers l’intérieur de nous-mêmes, nous allons pouvoir purifier complètement ces circonstances néfastes. Chacun les voit d’une manière personnelle. Nous ne pouvons pas voir le karma négatif des autres êtres, c’est personnel. Si nous examinons notre esprit, si nous le tournons vers l’intérieur, nous verrons le désir, l’attachement, la colère, l’aversion et l’opacité mentale. Nous pourrons reconnaître ces trois poisons racines qu’ils soient apaisés ou forts. Cette reconnaissance étant faite, nous les transformerons petit à petit car les transformer immédiatement n’est pas possible. Nous ne pourrons pas voir ces trois poisons chez les autres.

Pourquoi cela ?

Parce qu’en examinant continuellement notre propre esprit pour pouvoir transformer les trois poisons racine après les avoir reconnus, il n’est pas possible d’avoir le temps de reconnaître ceux des autres.

Kempo Tsultrim vivait au Tibet, ses disciples lui apportaient toutes sortes d’affaires, des présents. Il conservait ces présents chez lui. Puis quand les chinois envahirent le Tibet, ils vinrent le piller. Ils prirent toutes ses affaires. Il se dit alors : « je les remercie pour leur grande compassion à mon égard pour avoir nettoyé parfaitement toute ma maison, elle est maintenant parfaitement propre ». Kempo Tsultrim pratiquait tout le temps, continuellement et ne voyait pas la souffrance, il ne voyait pas le mal. Pour lui ces gens n’avaient fait aucun mal. Il était toujours dans l’équanimité. C’est pour cela qu’il faut voir ces dix sons, ces dix lettres à l’intérieur de soi. Si nous les voyons ainsi à l’intérieur nous pourrons trouver le bonheur, nous nous sentirons bien. Si au contraire nous les tournons vers l’extérieur de la souffrance va apparaître. Si nous regardons les autres, si nous voyons chez eux cette souffrance ou ces trois poisons, ces émotions racine et que nous nous disons cette personne est comme ci, elle est comme ça, nous allons accroître à l’intérieur de notre esprit ces émotions mêmes. Il n’y a aucune possibilité pour que nos propres émotions s’amoindrissent. Et de même si cette personne sait, si elle se rend compte que nous pensons qu’elle est mauvaise, qu’elle est dans l’émotion de la colère ou du désir, elle se sentira mal. Elle va développer de la colère. Vous aussi et chez l’un comme chez l’autre, les émotions vont augmenter de plus en plus. Cela se passera ainsi si, bien sûr, nous tournons notre esprit vers l’extérieur.

Dans les trois canaux principaux que nous avons vu Roma, Changma et Ouma, se trouvent les lettres Om, A, Houng. Là encore la sagesse ou la non sagesse peuvent apparaître. Cela dépendra de notre pratique. Si nous nous entraînons à développer la sagesse, nous allons pouvoir purifier nos canaux, notre esprit va être parfaitement ouvert et à travers la détente nous pourrons acquérir de la clarté dans notre esprit. Au travers de cette clarté, la sagesse va émerger, va être réalisée. Nous pouvons véritablement nous rendre compte que les mots du Dharma, les mots tibétains sont profonds et que nous n’avons pas cette profondeur dans la langue française. En tibétain dans ces trois mots : Leu Chou Ké, Leu signifie la détente. De cette détente de l’esprit, une très grande clarté irradiante apparaît. Cette clarté signifie que notre esprit est séparé de la souffrance, qu’il a une très grande clarté, une très grande vivacité, que la sagesse s’accroît véritablement et que nous sommes séparés de la souffrance. Lorsque nous sommes dans cette détente claire ou irradiante, s’il n’y a pas de saisie, c’est la Vue. Mais le problème est qu’à partir du moment où nous ressentons la détente dans notre esprit, nous la saisissons. Nous allons nous dire « maintenant, je suis bien », là nous saisissons, c’est fini. A ce moment-là, lorsque la détente apparaît, nous la saisissons et cette détente est terminée.

Que devons nous faire lorsque la détente apparaît ?

Nous ne devons pas essayer de la saisir, d’y réfléchir et petit à petit, si nous méditons ainsi nous pourrons y demeurer. Il y a la clarté naturelle. Si nous pouvons demeurer dans cette clarté naturelle, c’est comme le serpent qui se dénoue de lui-même. Si nous sommes véritablement dans cette détente naturelle, toutes les pensées qui peuvent apparaître à l’esprit se libèrent naturellement, elles se dénouent naturellement. Il nous faut, à travers la pratique, parvenir à cette détente ou demeurer dans cette détente sans la saisir. Prenons l’exemple du son. Quand nous écoutons un son agréable, nous allons le goûter, à partir du moment où nous désirons entendre encore cette mélodie ou ce son agréable, nous saisissons, nous avons un désir de possession. Méditer sur un son agréable n’est pas une bonne méditation.

Maintenant, nous allons mettre en pratique et méditer.