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Enesignement

Le bardo de la réalité absolue 1/8

Chépa Dorjé Rinpoché, le 6 septembre 2001

Nous devons penser que nous écoutons cet enseignement pour libérer les êtres de la souffrance du samsara, ces êtres dont le nombre est aussi vaste que vaste est l’espace, afin qu’ils atteignent l’état de Bouddha.

Tout d’abord il est nécessaire d’avoir un esprit très vaste, d’avoir l’Esprit d’Éveil. Pour ceci, nous allons parler de la nécessité d’être dans l’équanimité c’est à dire, être ni dans le désir, ni dans le rejet.

Que signifie équanimité ?

Dans un premier temps, il est facile d’avoir un esprit très vaste, un Esprit d’Éveil pour ses proches, ses parents, ses amis mais cela, c’est le désir, l’attachement.
Tous les êtres ont cet Esprit d’Éveil pour leurs proches, même les animaux sauvages, les léopards, les tigres, les ours... Se dire, en tant qu’être humain : « J’ai l’esprit d’éveil envers mes proches. », cela ne va pas, ce n’est pas cela l’Esprit d’Éveil !
C’est pour cela que nous disons que nous devons développer l’Esprit d’Éveil comme une mère le fait pour son unique enfant. Il faut réfléchir et penser que depuis des temps sans commencement tous les êtres ont été à un moment donné notre mère ou notre enfant ; ceci de façon à développer l’esprit d’Éveil pour l’ensemble de tous les êtres. Si nous comprenons cela, il n’y a plus d’ennemis, il n’y a plus de proches. Si nous pouvons avoir l’Esprit d’Éveil pour l’ensemble de tous les êtres, nous sommes dans l’équanimité. Nous devons méditer et réfléchir ainsi, encore et encore, sur l’équanimité.

Si nous avons un ennemi, dès que nous le voyons, notre esprit est troublé, de même si l’ennemi nous voit, son esprit est troublé. La cause même de ce malaise de part et d’autre, va créer à nouveau du karma négatif, des actes négatifs. Lorsque nous voyons un ennemi, il ne faut pas le voir en tant que tel.

Afin d’être en paix dans notre esprit, il nous faut reconnaître que tout provient de notre esprit. Que nous soyons malades, que nous ne nous sentions pas bien, que nous rencontrions toutes sortes de difficultés et problèmes : cela vient de notre esprit. C’est pour cela que nous devons trouver la paix en notre esprit.

Pour développer l’Esprit d’Éveil, il nous faut être paisible, ne pas être dur ou irrité. Il est dit que si nous avons cet Esprit d’Éveil, les autres l’obtiendront. Si une personne proche est irritée, soyons paisible et peu à peu la personne en colère se détendra. Par contre, si en face d’une personne irritée nous nous mettons en colère, au bout du compte nous regretterons notre geste et aucun des deux ne sera paisible. Je dis cela pour discipliner notre esprit, afin que notre esprit soit en paix, c’est ainsi dans le Dharma, c’est un engagement. Si nous pensons, « Je suis Bouddhiste » et que nous nous mettons en colère, nous sommes sous l’emprise de l’orgueil et de la colère, nous ne sommes pas Bouddhistes. Il y a quelque chose qui ne va pas !

C’est pour cela qu’il ne faut plus avoir d’orgueil. C’est à chacun d’examiner son esprit. A cause de l’orgueil, toutes sortes d’émotions peuvent survenir et s’accroître de plus en plus. Si nous bavardons, si nous parlons beaucoup, nous développons notre désir, notre attachement ou de la colère… Cela ne va pas nous aider, cela ne sert à rien, à nous d’examiner cela et de nous dire : « Ce mois-ci, j’ai beaucoup parlé, j’ai ressenti beaucoup d’émotions, le mois prochain, je vais essayer de parler un peu moins, d’avoir un peu moins de colère, un peu moins d’orgueil. ». Ainsi le Dharma va pouvoir nous être utile. Si le mois suivant, nous ressentons encore plus de colère, toutes sortes d’émotions et que nous parlons encore plus, le Dharma ne nous est d’aucune aide.

Que nous soyons en présence de six personnes ou de deux personnes, c’est à nous de voir comment fonctionner, de voir ce que nous allons dire et si les gens peuvent recevoir ce que nous allons leur dire. S’ils ne peuvent pas l’entendre, il nous faudra juste rester tranquille sachant alors qu’il est mieux de ne rien dire. C’est à nous d’examiner chaque circonstance afin d’agir de manière adéquate. De cette manière, nous développerons naturellement la patience. Si, autour de nous, les personnes discutent beaucoup et que nous restons paisibles sans rien dire, sans rentrer dans le bavardage, en demeurant ainsi, c’est une pratique, c’est la pratique de la patience. Si nous souhaitons dire quelque chose et si la personne n’est pas capable de l’entendre, elle risque de se mettre en colère. Dans ce cas il est préférable de ne rien dire, de ne pas parler. A l’inverse, si quelqu’un nous dit quelque chose qui nous blesse, si nous répondons, cela va envenimer les choses, nous allons développer de l’orgueil, notre interlocuteur va se mettre en colère. Si nous nous disons : « Mieux vaut ne pas répondre pour éviter cela. », les choses vont s’arrêter immédiatement, c’est ce qu’il faut faire. A nous d’examiner cela.

Notre bouche, par la parole, est la porte de toutes les émotions. Il y a un dicton tibétain qui dit : « Notre bouche est la serrure de nos émotions, hélas, nous n’avons pas la clef pour fermer cette serrure définitivement. ». Si nous ne parlons pas, nous ne nuisons pas aux autres êtres et nous développons naturellement la Sagesse. En ne répondant pas spontanément aux agressions et bavardages divers, nous allons voir toutes les réponses que nous avons dans notre esprit, nous pourrons les examiner et les voir clairement, ainsi, la Sagesse, l’Intelligence Suprême pourront se développer.

En pratiquant le Dharma de cette façon, nous pourrons nous rendre compte que :

 Que nous avons eu tendance à rentrer dans toutes sortes de discussions et à réagir.
 Que nous avons eu la possibilité de développer la patience, en n’y répondant pas et que nous avons pu développer l’intelligence suprême grâce à la non-réponse, ce qui nous a permis d’examiner nos pensées.

Ainsi l’intelligence suprême va se transformer en Sagesse car, à force d’examiner les pensées, il n’y aura plus de pensée.

Quel est le sens même de réciter des mantras ?

Le sens est d’arrêter le flot des paroles. Quand nous parlons de nous-mêmes, nous pensons « Je suis bien, je suis bien, je suis bien ! ». Quand nous parlons de nous-mêmes, c’est le sens que nous y mettons. Quand nous parlons des autres, nous disons : « Il n’est pas bien, il n’est pas bien, il n’est pas bien… ». Voilà les deux aspects toujours présents quand nous parlons Nous ne sortons pas de ces deux concepts, nous réfléchissons sur ce que nous avons fait par le passé, nous réfléchissons sur ce que nous allons faire à l’avenir, nous faisons de même en parlant des autres. Nous ne cessons d’être entre ces deux concepts de nous-même et d’autrui. Automatiquement, nous avons du rejet vis-à-vis de nous-même où vis-à-vis des autres.
C’est pour cela qu’il est nécessaire de développer l’équanimité, de ne pas avoir d’ennemis, se rendre compte que tous les êtres ont été à un moment donné, notre mère ou un proche parent ou notre enfant. Il convient de développer l’équanimité, de ne pas trop parler, de rester tranquille.

Il nous faut avoir la vigilance, le rappel, examiner notre esprit, bien sûr il faut que la vigilance soit au service des choses positives mais surtout qu’elle soit au service de l’examen de l’esprit pour voir ce que nous avons fait de bien ou de mal. Si nous examinons ainsi notre esprit, nous nous rendrons compte que ce n’est pas nous qui sommes bien, que ce sont les autres.

Nous avons appris quelques yogas sur les souffles, quelques pratiques à effectuer. Quand vous vous réveillez le matin, tout d’abord effectuez l’expulsion des souffles résiduels, ne pensez pas trop, restez dans l’aspect pur de votre esprit. Au matin, prenez tranquillement votre petit déjeuner, puis lorsque vous vous lavez, vous pouvez penser que vous prenez la douche de Dorje Sempa (Vajrasattva), de cette manière vous pouvez vous purifier, c’est bien d’être purifié par Dorjé Sempa en prenant notre douche ! Si vous avez de la joie dans votre esprit, si vous vous sentez bien, offrez cela aux Trois Joyaux et dédiez la joie que vous ressentez à l’ensemble de tous les êtres. C’est simple et la joie demeurera dans votre esprit. Si vous ressentez de la souffrance, nous passons souvent de l’un à l’autre, n’est ce pas ? Nous pouvons simplement nous dire que notre esprit est changeant et comme nous avons accumulé un certain karma, la joie vient, la souffrance vient, c’est ainsi pour l’ensemble des êtres. Alors, prenez la souffrance des êtres sur vous-mêmes !

Voyons cet exemple :

Au Tibet, une vieille femme était malade, un Lama lui dit « Vous êtes malade, prenez la souffrance et la maladie de tous les êtres sur votre propre maladie. ». La vieille femme lui répondit « Mais tu es complètement fou, je suis déjà malade, en plus tu veux que je prenne la souffrance de tous les êtres sur moi ! »
Peut-être pensez-vous la même chose ! (rires).

Bref, il ne faut pas penser ainsi, car le fait de prendre la souffrance de tous les êtres sur sa propre souffrance ne fait pas que nous récupérons l’ensemble de la souffrance des êtres. Quand vous êtes malades ou souffrant de quelque manière, dites que vous prenez l’ensemble de la souffrance de tous les êtres et rapidement cela va permettre de dissiper rapidement cette souffrance, cette maladie. Dans le Dharma, il en est ainsi, nous utilisons toujours un moyen pour que les choses puissent changer.

Dans l’enseignement, nous en sommes arrivés au Bardo de la Réalité absolue ou Bardo de la Dharmata. Donc, je vais juste vous donner l’introduction, je vous en dirai plus à mon retour de Taiwan. Dans les six bardo ou état intermédiaire, nous en sommes arrivés au cinquième état intermédiaire. Nous avons vu d’abord le bardo de la naissance, le Bardo du Rêve, le Bardo de la Méditation, le Bardo du Moment de la Mort et maintenant nous allons voir, le Bardo de la Réalité absolue.

Nous avons vu que, pendant le Bardo de la Méditation, nous étions introduits à Rigpa, à la Connaissance. Au moment du Bardo de la Réalité absolue, naturellement, cette connaissance apparaît spontanément. Généralement de manière ordinaire, quand apparaît cette Connaissance, nous ne nous en rendons pas compte, nous ne le voyons pas, nous ne le reconnaissons pas. Durant le Bardo de la Méditation, lors de l’introduction à Rigpa, à ce moment précis, il faut faire un examen, il faut trancher au travers de cet examen, se dire Rigpa, est-ce cela ou n’est ce pas cela ? Comme nous le voyons dans la pratique du Tektcheu, nous faisons un examen pointu qui tranche : « Est-ce que c’est cela ou est-ce que ce n’est pas cela ? » Lorsque nous avons eu une bonne compréhension de Tektcheu, nous passons alors à la pratique de Tögyel.

La pratique de Tögyel correspond à tout ce qui va se passer dans l’état intermédiaire du Bardo de la Réalité absolue. Normalement, il faut avoir réalisé la Vue du Tektcheu pour pouvoir être véritablement introduit à Tögyel. Puisque nous n’avons pas réalisé cette pratique de Tektcheu, nous allons avoir un aperçu de ce qu’est Tögyel. En fait, la pratique de Tektcheu serait comme la base et la pratique du Tögyel serait comme le chemin. Pour avoir une bonne compréhension du chemin, il faut avoir eu une bonne compréhension de la base.

A partir du moment où nous avons réalisé la base, le chemin apparaît spontanément, il se fait tout seul. Il est dit, par exemple, du véritable pratiquant de Tektcheu qu’il est comme muet, qu’il parle très peu, qu’il est comme une montagne car il bouge très peu, qu’il est comme l’océan, une mer calme sans vague car cette pratique se fait au travers du corps, de la parole et de l’esprit.

Pour la pratique du Tögyel, nous disons exactement la même chose mais en plus de cette base, il faut pratiquer dans un endroit particulier. Donc, ce qui serait bien, c’est que nous allions tous dans une montagne et que là je vous en dise plus. Si nous allons dans un tel endroit, un jour, je vous indiquerai le chemin. De ce chemin du thögal , nous disons qu’il y a la pratique des quatre flambeaux. Il est aussi dit dans ce texte ce qui émerge et comment et pourquoi cela se passe ainsi. Certaines choses se référent à la Vue, d’autres correspondent à l’endroit où nous nous trouvons, à la manière dont nous y demeurons, etc.. Il est important pour se préparer à ces pratiques de s’entraîner à méditer les yeux ouverts car pendant la pratique du thögal, nous ne voyons pas, cependant toutes sortes de choses doivent émerger, briller et il nous faut garder les yeux ouverts. Si pendant la pratique de trekchö, nous gardons les yeux fermés, il est possible que rien n’arrive, rien n’émerge et cela sera de même pour la pratique du thögal.

Nous disons aussi qu’il y a des pratiques avec les trois sortes de Vues et les trois sortes de façons de se poser, de demeurer. Au niveau de la Vue, il y a la vision du Dharmakaya, celle du Sambogakaya et celle du Nirmanakaya. Dans la méditation, il y aura la méditation sur le Corps de Vérité où les yeux seront dirigés vers le haut, vers l’espace. Lors de la Vision du Sambogakaya, du Corps de Gloire, les yeux seront dirigés juste devant nous dans l’espace et lors de la Vision du Nirmanakaya, le Corps d’Émanation, les yeux seront plus bas. Lorsque ces trois Visions seront indiquées en relation à certaines positions du corps, à ce moment-là, les canaux pourront s’ouvrir naturellement, de cette manière là, thôgal pourra émerger, tout apparaîtra spontanément. Pour l’instant, nous ne savons pas quelles sont les trois positions du corps, nous ne l’avons jamais vu jusqu’à présent, mais grâce à ces positions, la clarté pourra se manifester spontanément.

Dans le trekchö, si nous sommes très fatigués et que nous avons envie de dormir, les yeux doivent regarder vers le haut dans l’espace, de cette manière, l’envie de dormir cessera. Si nous avons trop de pensées, que nous ne parvenons pas à dormir, nos yeux doivent regarder vers le bas. Si nous ne sommes ni dans une grande torpeur ni dans l’agitation, nous placerons les yeux dans l’espace en face de nous. En s’entraînant ainsi, lorsque nous parviendrons au Bardo de la Réalité absolue, lorsque nous parlerons du thögal, peut-être que spontanément les choses pourront apparaître.
Pour que thögal puisse émerger, il faut qu’il y ait ces trois manières de se placer, sans cela, c’est comme un serpent, si nous le laissons comme ça, il ne représente rien, mais si nous le positionnons comme un escalier ou comme une jambe, il en représentera le sens. Sur le serpent, il y a des dessins, comme un petit escalier, des vaguelettes, quand le serpent est détendu, nous ne les voyons pas mais si nous le tordons, nous pouvons voir ses anneaux. thögal émerge comme ça naturellement, mais nous ne pouvons le reconnaître si nous n’avons pas la compréhension de ces trois façons de se poser. Tout cela fait références aux quatre flambeaux, il y en a six en fait mais pour résumer nous ne parlons que des quatre…

Qu’est ce qui émerge ?

Cela peut être des paradis purs, cela peut être des divinités paisibles et courroucées. Au départ, ce ne sont pas des divinités qui apparaissent mais des tiglés, des sphères lumineuses. Il est tout à fait possible que le thögal apparaisse, émerge malgré le fait que nous n’ayons pas une bonne compréhension du trekchö. S’il en est ainsi ce n’est pas vraiment important, il ne faut pas le saisir tant que nous n’avons pas le sens exact du trekchö. Tout ce que nous avons vu auparavant au sujet du Dzogchen était à propos de trekchö. À mon retour, nous allons parler du thögal car lorsque nous parlons du Bardo de la Réalité absolue, forcément, nous parlons du thögal . Nous allons nous arrêter ici pour aujourd’hui.