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Le bardo naturel de cette vie - 9/19

Enseignement de Chépa Dorjé Rinpoché - Paris, le 22 janvier 2001

Maintenant nous allons penser à l’ensemble de tous les êtres dont le nombre est aussi vaste que vaste est l’espace et nous allons penser que nous allons écouter ces enseignements du Bardo pour pouvoir libérer tous les êtres de la souffrance du samsara.

Avant de commencer l’enseignement je souhaite vous parler du trône où je suis assis ce soir. Il s’agit d’une coutume tibétaine. Cela peut paraître un peu étrange pour vous qu’une personne soit assise là pour moi aussi cela paraît étrange.
D’où vient cette coutume ?

Auparavant dans les temps anciens, au Tibet par exemple, il y avait des trônes. Cette coutume vient de l’Inde du temps même du Bouddha Sakyamuni. A cette époque le Bouddha donnait des enseignements à de nombreux disciples. Ces disciples écoutaient le Bouddha et gardaient les enseignements dans leur esprit pour ensuite les retranscrire par écrit. Les Pandits, c’est-à-dire des érudits, retranscrivaient les enseignements du Bouddha dans la grande université de Nalanda. Ils y étaient très nombreux. Quand un érudit écrivait les paroles du Bouddha, tous les autres devaient vérifier si le sens était bien celui que Bouddha avait donné car chaque texte, chaque mot pouvait avoir un sens différent. Et, précisément sur l’enseignement ou la méditation. Il fallait l’accord de tous les érudits pour que ce texte soit conservé tel qu’il était à l’origine. Ensuite le texte était donné au roi et si le roi effectivement disait que c’était un bon enseignement, il était crédité. Quand le texte retranscrit avait été accepté par tous comme étant le sens même des paroles du Bouddha, l’érudit qui l’avait retranscrit était autorisé à se placer sur un trône. Et donc il était autorisé à écrire tous se dont il pouvait se souvenir des paroles du Bouddha. Il pouvait même retransmettre ces paroles sous forme d’enseignement. Etre sur le trône signifiait que l’enseignement était valable et qu’il pouvait être transmis. C’est cela l’origine du trône. Les personnes qui avaient retranscrit ces écrits pouvaient résider dans cette terre sainte de l’Inde. Si certains érudits écrivaient des textes qui n’étaient pas acceptés par les autres, car le texte ne rendait pas exactement le sens que le Bouddha avait voulu donner, les écrits étaient mis au feu et l’érudit devait partir en exil. C’était la coutume. On pensait que cette personne donnait un enseignement qui pouvait être faux. Pour cela elle était chassée du royaume de la terre sainte de l’Inde. L’origine de ce trône vient de cette époque là. Cette coutume du trône a été adoptée au Tibet. Dès lors, les grands érudits s’assirent sur le trône pour transmettre l’enseignement du Bouddha.

Au Tibet lorsqu’un kempo, un érudit, en tibétain, était nommé, cela signifiait qu’il avait étudié de très nombreuses années et eu de très longues années d’expériences de pratique de la méditation. Lorsque le maître avait finalement transmis tout son savoir à son disciple, lorsque ce dernier avait parachevé toutes ces études, il disait à son disciple, « voilà, tu as acquis l’expérience véritable de tout ce je t’ai enseigné, ton savoir est véritable et profond, tu peux maintenant aller à tel endroit pour transmettre à ton tour ce que tu as expérimenté, et ce que tu connais ». Le disciple allait alors dans un monastère indiqué par son maître et il y était considéré comme l’érudit du monastère. C’est lui qui devait transmettre tout son savoir pour pouvoir aider l’ensemble des êtres. Il aidait les êtres afin qu’ils soient séparés de la souffrance. Il aidait les êtres à traverser le chemin qui pouvait conduire au bonheur. C’est pour cette raison , en signe de respect, que ce kempo était assis sur un trône.

Les Toulkous s’assoient également sur des trônes. Les Toulkous, ce qui signifie réincarnation en tibétain, sont des êtres qui se sont beaucoup entraînés dans leur vie passée. Au moment de leur mort, ils ont la possibilité durant le Bardo de choisir leur renaissance future. Ils savent parfaitement qui seront leurs parents, leur père, leur mère. Ils choisissent véritablement l’endroit où ils vont renaître. Ils choisissent leur vie future. Généralement ils écrivent une lettre avant leur mort expliquant où ils vont renaître, dans tel pays, ou telle province, dans telle famille, ils donnent le nom de leur mère et de leur père. Puis après leur mort ils se réincarnent. Enfant ils sont reconnus par certains maîtres comme étant un Toulkou grâce à la lettre. Parce que ce Toulkou a l’esprit très vaste et qu’il est reconnu, il est intronisé et est placé sur un trône.
Quoi qu’il en soit, il est important que la personne qui se trouve sur un trône ne développe pas d’orgueil. car pour y être il faut véritablement avoir eu un immense entraînement de l’esprit. Si la personne n’a pas été suffisamment entraînée, elle va développer de l’orgueil et cela n’apporte absolument aucune aide, il n’y a absolument aucun bienfait à cela. En fait, à l’origine, le trône a été fait pour celui qui possède cette grande expérience, cette grande compréhension et qui peut transmettre cela d’une manière claire. Voici l’origine même du trône. Par la suite, des brocarts ont été rajoutés, etc., c’est bien, mais cela est venu plus tard. Le sens profond est celui que je vous ai donné. Le plus important est de ne pas développer d’orgueil. Se dire : « moi je connais le Dharma, je le connais parfaitement, je peux le transmettre » est une forme d’orgueil. Si nous développons de l’orgueil en cela, nous sommes comme tous ceux qui n’en comprennent pas le sens. Il faut reconnaître que l’on connaît le Dharma tout en ayant de l’humilité.

Aujourd’hui nous allons parler des six mondes d’existence. La nature même de la sagesse a cinq couleurs. La lumière jaune fait référence au monde des dieux. La lumière verte est relative au monde des demi-dieux. La lumière rouge fait référence au monde des humains parce que les humains ont beaucoup de désir n’est ce pas ? Pour le monde animal, c’est la lumière noire car les animaux sont stupides, leur esprit est obscur. La lumière blanche fait référence au monde des enfers où domine l’orgueil. La lumière qui pourrait ressembler à une pierre est relative au monde des esprits avides. Lorsque nous parlons des esprits avides, nous faisons référence à l’avarice. Une personne qui ne donne pas beaucoup, qui est avare, c’est un esprit avide. Les émotions qui sont le désir, la colère, l’opacité mentale, l’orgueil et l’avarice correspondent au cinq mondes que nous venons d’énumérer. Nous avons ces cinq graines, ces cinq potentiels à l’intérieur de nous.

Les êtres vivants sont comme un récipient. Ce récipient doit être bon tout comme la terre doit être bonne pour qu’une fleur puisse y éclore. La graine aussi doit être bonne. Puis, selon les circonstances, cette graine pourra pousser et éclore. Il en est ainsi pour les êtres, le récipient doit être bon. Tous les êtres ont eu des parents. Nous ne sommes pas nés autrement. L’ensemble de tous les êtres sont formés des cinq éléments. Ces éléments doivent être en équilibre. Si un élément domine, en reprenant l’exemple de la fleur, s’il y a trop d’eau, la fleur pourra peut-être naître mais ne pourra peut-être pas éclore. L’équilibre des cinq éléments est nécessaire.

Tout d’abord il y a Rigpa, la Connaissance mais elle est voilée par la non reconnaissance qui est l’ignorance. C’est à cause de cela que l’ensemble de tous les êtres errent dans le samsara. Nous sommes nés en tant qu’êtres humains, sous le pouvoir de l’ignorance. Puisque nous sommes assujettis à l’ignorance, nous sommes sous le pouvoir des émotions. Nous avons de l’attachement et ce dernier va créer le désir. L’être humain comme nous en avons parlé est composé des cinq éléments. Dans ces cinq éléments se trouvent la quintessence même, le meilleur de l’être humain. Dans la relation sexuelle, au moment de l’union d’un homme et d’une femme, la quintessence devient félicité mais sous le pouvoir de l’ignorance, nous saisissons cette félicité qui apparaît au moment précis de l’union.

Dans l’état du Bardo, les êtres n’ont pas de corps. Lors de l’union sexuelle entre un homme et une femme, de nombreux êtres du Bardo sont attirés par la félicité qu’ils peuvent ressentir. Le moment dont nous parlons se situe juste avant notre conception. Dans le Bardo nous avons été ainsi sans corps, nous avons ressenti le plaisir, la félicité de l’union d’un homme et d’une femme Nous avons été attirés par cela et nous avons été piégés dans le ventre de la mère. Ne sachant pas comment en sortir, la conception commence. Pendant 49 jours, nous ne sommes pas encore humain. Nous subissons de nombreuses transformations. Pendant une semaine l’élément eau sera prédominant, la semaine suivante ce sera l’élément feu puis une autre semaine l’élément vent sera dominant. Les cinq éléments, tour à tour, font ainsi. Le fœtus, dans le ventre de la mère subit de très fortes transformations d’un élément à l’autre, il se constitue ainsi. Il est possible pendant ce laps de temps que la mère ressente une sorte de malaise, qu’elle ne soit pas très heureuse. Elle peut traverser toutes sortes de sentiments.
A trois mois et vingt-et-un jours de vie intra-utérine, le corps du fœtus n’est pas encore développé parfaitement. Cependant l’esprit devient très stable car il ne subit plus toutes ces transformations. L’esprit se stabilise dans ce corps qui continue à se développer.

Pourquoi parlons nous de l’origine de la conception ?

Nous en parlons car à l’origine dans notre corps, il y a les souffles, il n’y a pas de canaux. La circulation des souffles dans les canaux ne se fait pas encore. Donc tout d’abord, il y a l’esprit et les souffles, il y a ces deux choses, puis ensuite les éléments se mettent en place. Quand ils sont en place, les canaux vont se développer. A l’origine, soixante-deux canaux racines se développent dans le corps. Puis les canaux latéraux se développent, c’est-à-dire les canaux secondaires qui sont au nombre de trois cents. Les canaux prennent racine au niveau du nombril. Nous avons trois canaux principaux. Ces trois canaux partent du nombril et s’élèvent parfaitement droit jusqu’en haut du corps. Dans ces trois canaux, il y a les canaux de la sagesse. Ils sont reliés aux yeux. Dans le corps humain, les yeux sont très importants, n’est ce pas ?

Nous avons déjà appris certains exercices sur les souffles. A quoi vont servir ces exercices sur les souffles ?

Quand nous faisons le matin, au réveil, l’expulsion des souffles résiduels, les souffles vont circuler dans les deux canaux latéraux Roma et Changma et vont ressortir par les narines. En expulsant les souffles résiduels de la narine droite, nous allons pouvoir ressentir un certain bien-être. Au niveau de la narine gauche nous ressentirons plutôt une sorte de malaise. Pour expulser les souffles, si nous souhaitons que le souffle passe par le canal de gauche nous allons boucher la narine droite et pour que le souffle passe par le canal de droite nous boucherons la narine gauche.

Si le matin au réveil nous nous sentons mal à l’aise, nous pouvons boucher la narine gauche pour que le souffle passe par le canal de droite. Ainsi nous pourrons nous sentir mieux dans notre esprit. Quand nous aurons expulsé les souffles de la narine droite, nous allons faire de même de l’autre côté et ressentirons peut être alors un certain mal-être puisque nous faisons circuler les souffles du canal de gauche. Le moyen pour réguler et apaiser les souffles est de respirer simplement et tranquillement par la bouche. Ainsi tout va s’apaiser et redevenir tranquille et vous expérimenterez, une grande détente dans votre corps et dans votre esprit. Cela peut être un très bon moyen pour méditer. Vous pouvez véritablement penser que méditer sur les souffles résiduels est un moyen excellent. Il n’est pas nécessaire de le faire tous les matins ou uniquement le matin. Vous le faites dès que vous ne vous sentez pas très bien en vous-mêmes. Vous bouchez vos narines et expulsez les souffles résiduels et vous ressentirez une certaine détente dans votre esprit. Faites cela progressivement. Je pense que nous en avons tous besoin et plus particulièrement en France. Car je pense réellement qu’en France, dès qu’il y a un petit instant de non-joie dans l’esprit, les gens se sentent mal. C’est une très bonne pratique pour pouvoir retrouver le bien-être en son esprit. Il faut vraiment peu de chose pour que nous ne soyons plus joyeux. Il suffit que quelqu’un nous pousse en disant : « c’est ma place » et voilà, nous ne sommes plus heureux ! Lorsque cela arrive nous ne savons pas comment retrouver aussitôt notre joie.
Nous allons méditer un peu sur cela.