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Le bardo naturel de cette vie - 3/19

Enseignement de Chépa Dorjé Rinpoché - Paris, le 11 décembre 2000

Nous devons penser que nous allons écouter cet enseignement sur les six bardos pour pouvoir établir par la suite l’ensemble de tous les êtres en l’état pur de Bouddha. Il est important d’avoir l’esprit vaste sinon à l’inverse, nous aurons un esprit petit, en fait avoir l’esprit vaste, signifie avoir l’esprit de l’éveil.

Les êtres sont aussi innombrables que vaste est l’espace, c’est-à-dire que se trouvent des êtres. Les êtres occupent le moindre espace. Là où il y a des êtres, il y a la souffrance. C’est pour cela que nous souhaitons pratiquer le Dharma, pour pouvoir libérer l’ensemble de tous ces êtres de cette souffrance. Si nous parlons des êtres, ce ne sont pas que les humains, n’est-ce pas ? Nous parlons bien de l’ensemble de tous les êtres qu’ils soient petits ou grands, qu’ils soient humains ou non humains, l’ensemble de tous les êtres qui ont un esprit, qui peuvent ressentir. Que peuvent-ils ressentir ? Ils ressentent la souffrance. C’est pour cela que ces êtres désirent sortir de cette souffrance et qu’ils vont tout faire pour y parvenir. Mais à cause des actes qu’ils commettent, ils ne se libèrent pas de la souffrance. Les grands êtres ont une maison et un endroit où ils vivent et dans cet endroit les petits êtres viennent et mangent les plus grands, et puis les grands mangent les petits. Je te mange, tu me manges, nous nous mangeons. C’est ainsi que l’ensemble de tous les êtres errent dans le samsara.

A cause de notre égoïsme nous nuisons beaucoup aux autres êtres, n’est-ce pas ? Le fait que nous nuisions aux autres êtres sera la cause de notre souffrance future. Nous désirons le bonheur, mais puisque nous avons donné cette cause qui est la nuisance à autrui, le résultat sera notre propre souffrance. Aujourd’hui, nous serons peut-être bien mais demain, qu’en sera-t-il ?

C’est pourquoi il faut s’entraîner aux six bardos, à l’écoute et aux instructions de ces six bardos. Comme nous l’avons vu, il n’y a pas un seul être qui ne traverse pas ces différents bardos. Nous sommes actuellement dans le bardo de cette vie. Depuis la naissance, nous sommes dans ce bardo-là. Il est nécessaire de bien comprendre les lois de cause à effet sinon les choses ne sont pas aisées.

Il faut s’entraîner à abandonner ce qui est non vertueux et à pratiquer ce qui est vertueux. Mais en fait, qui est-ce qui abandonne et qui est-ce qui pratique ? C’est notre esprit. C’est lui que nous devons entraîner dans le bardo de cette vie, dans le bardo de la méditation. De même, dans le bardo du rêve, c’est notre esprit. Donc ce que nous devons entraîner, c’est notre propre esprit.

La Posture du corps en Sept Points de Vairocana est importante.

Les jambes sont en posture adamantine, les deux mains en posture de méditation placées à quatre doigts sous notre nombril. Le corps et l’esprit sont ensemble à l’instant même, dans cette posture.

Tout d’abord, notre dos doit être bien droit, nous prenons l’exemple d’une flèche. Il n’y a pas de flèche devant nous mais nous pourrions prendre pour exemple le manche de ce micro. Il est dit que notre ventre doit être comme un ventre affamé, c’est-à-dire bien plat, bien rentré. Notre menton doit être un peu rentré, notre langue contre notre palais, nos yeux dans le prolongement de notre nez, pas à la pointe mais juste devant nous. Dans cette posture, il est dit qu’il n’est pas nécessaire de méditer ou de réfléchir car la clarté de l’esprit apparaît spontanément. Il faut juste rester tranquillement détendu dans cette posture.

Bien que nous soyons dans cette posture, si nous avons beaucoup de pensées, nous pouvons beaucoup marcher, nous pouvons même aller en Dewatchen [1] en restant ainsi.

La posture des yeux est importante, ils doivent être devant notre nez. Il est dit que nos yeux doivent se porter dans l’état intermédiaire ou milieu de l’espace. Il ne faut pas voir avec nos yeux, il ne faut pas non plus méditer, donc ne pas voir, ne pas méditer mais juste rester ainsi dans la nature des choses.

Il est possible que notre esprit soit comme un vaste océan de pensées. Si nous tenons correctement cette Posture en Sept Points de Vairocana et qu’avec cela, nous combinons la détente de notre esprit, notre méditation sera vraiment bonne. Si par contre, nous tenons bien la posture en Sept Points de Vairocana mais que notre esprit n’est pas détendu, cela n’ira pas du tout.

Nous allons maintenant nous mettre dans la Posture en Sept Points et je vais regarder. Si cela n’est pas possible au niveau des jambes d’être dans cette posture de Vairocana, nous pouvons être bien assis et surtout détendus, c’est le plus important.

Pour les personnes qui n’ont pas la possibilité de s’asseoir par terre et qui sont sur une chaise, cela va aussi. Il est important, à ce moment-là, de se sentir vraiment bien sur la chaise. Il y a aussi une hauteur particulière avec laquelle nous allons nous sentir le mieux, nous allons nous dire spontanément : ah la la, je m’installe sur cette chaise et je suis bien. Alors que parfois la chaise va être un peu trop basse ou trop haute et nous n’allons pas nous sentir véritablement détendus sur cette chaise. Quand vous avez trouvé la chaise sur laquelle vous vous sentez bien, prenez les dimensions pour vous en faire une comme celle-ci. Et puis comme ça, partout où vous irez, vous emmènerez votre chaise et vous serez bien ! (Rinpoché éclate de rire). Enfin peut-être que ce sera un petit peu difficile de la trimbaler partout. Je rigole, je plaisante.

Donc, je regarde la Posture en Sept Points. Au niveau des mains, deux postures sont possibles : il y a la traditionnelle qui se trouve dans les textes où les deux mains doivent être en posture de méditation, les deux mains doivent faire comme un tcheudjoung, c’est-à-dire comme un trièdre et la pointe doit se trouver au niveau du nombril ; sinon, nous pouvons aussi les mettre ainsi, posées sur les genoux.

Le placement des yeux est vraiment important. Nous ne devons pas faire bouger les yeux d’un endroit à un autre, les laisser tourner, tournoyer car, à ce moment, toutes sortes de pensées vont survenir. Il faut vraiment garder notre vision juste dans l’espace devant nous ; complètement détendue. Nos yeux deviendraient sinon des yeux dansants. Comme lorsque nous nous agitons, nos yeux s’agitent en même temps.
Soyons détendus, juste détendus !

Cela recèle une très grande qualité que de pouvoir méditer ainsi. Comme nous l’avons vu dans les enseignements précédents, cela permet d’obtenir la tranquillité du corps, de la parole et de l’esprit. En ce qui concerne la tranquillité de la parole, il y a là encore trois subdivisions : l’intérieur, l’extérieur et le secret.

D’une manière extérieure quand nous restons assis en méditation, nous ne parlons pas, n’est-ce pas ? C’est quelque chose qui peut être bien dans la mesure où nous ne faisons pas perdre le temps à autrui et nous ne perdons plus notre temps à toutes sortes de discussions.

L’aspect intérieur sera toute la récitation que nous pourrons effectuer ou la lecture des textes. L’aspect secret sera les mantras, les mantras secrets que nous réciterons à voix haute et que nous réciterons mentalement. Nous pouvons en réciter un très grand nombre. Si nous sommes dans cette tranquillité de la parole, il n’est pas nécessaire de chercher à tenir la posture en sept points, car nous sommes spontanément dans cette posture, nous demeurons en elle.

Etre dans cette posture en sept points avec cette parole tranquille, c’est comme une cithare sans corde. Sans corde, la cithare ne peut pas émettre un son. S’il n’y a pas de corde, il n’y a aucune possibilité d’en jouer. Si nous sommes ainsi dans la posture en sept points de Vairocana, spontanément, nous ne parlons pas.

Ensuite, il y a l’esprit, l’aspect extérieur de l’esprit sera de ne pas suivre ou plutôt de ne pas se souvenir des pensées du passé, de ne pas se projeter vers l’avenir, de ne pas partir vers les pensées du futur et de ne pas regarder les pensées du présent.
En ce qui concerne les pensées du présent, qu’elles soient ordinaires, c’est-à-dire qu’elles soient liées à toutes les activités ordinaires que nous pouvons avoir ou alors qu’elles soient liées à la méditation que nous pouvons avoir, comme visualiser des divinités, ces pensées-là nous devons les laisser apparaître telles qu’elles sont et ne pas essayer de les fabriquer, de faire quoi que ce soit avec elles mais de les laisser juste apparaître.

L’aspect secret de l’esprit sera de rester dans la nature même de la clarté de cet esprit. Alors, il n’y a plus de méditation, de pensée quelle qu’elle soit. Il faut rester véritablement dans cette lumineuse clarté où il n’y a rien de fabriqué. Si nous nous entraînons de cette manière grâce à la Posture en Sept Points de Vairocana, nous pourrons obtenir l’état naturel de clarté de notre esprit. Sans cet entraînement, il est difficile d’obtenir cette clarté.

La coutume au Tibet est de recevoir l’instruction et ensuite de méditer dessus durant trois ou six jours. Après six jours de méditation, nous revenons voir le Lama qui nous redonne des instructions. Moi-même, quand j’ai reçu ces instructions des six bardos, tous les trois jours, je recevais une instruction nouvelle. Si je restais pour recevoir une nouvelle instruction avant même d’avoir pratiqué ces trois jours, je ne la recevais pas.
Il fallait que je médite durant trois jours, ensuite je retournais voir mon Lama qui me posait des questions quant aux expériences que j’avais pu traverser puis il me donnait de nouvelles instructions.

Si nous pratiquons la Posture en Sept Points, par exemple le matin et le soir, ces deux moments seront différents, ce ne seront pas les mêmes moments. Que nous méditions aujourd’hui ou demain ou après-demain, dans cette Posture en Sept Points, de même entre aujourd’hui et demain, ce sera différent. Toutes sortes d’expériences vont survenir et toutes seront différentes les unes des autres. Il peut arriver que, parfois, nous nous disions : Oh ! Je n’ai absolument aucune pensée.
Mais le fait même de nous dire « je n’ai pas de pensée » est une pensée, n’est-ce pas ? A d’autres moments, il y aura tellement de pensées qui vont se bousculer dans notre esprit que nous allons vouloir en pleurer ou alors peut-être que nous allons même en rire. Ou encore, nous allons vraiment avoir mal dans tout notre corps, cela va être vraiment atroce, nous aurons mal dans la tête, dans le corps, à peine serons-nous ainsi, nous aurons envie de nous lever. Et puis, à d’autres moments, nous allons nous dire : Tiens, le repas que j’ai eu à midi était vraiment délicieux et le repas que je vais avoir, ce soir, va être aussi très bon, j’en suis persuadé.
A ce moment-là, nous allons nous dire « je vais préparer un bon repas » et en fait, nous allons nous lever et il n’y aura plus du tout de méditation.

Nous allons donc expérimenter à travers notre esprit, toutes sortes d’expériences différentes. Ces différentes expériences montrent bien que l’esprit est vide. S’il n’était pas vide, il n’y aurait pas la possibilité de changement dans notre esprit, penser quelque chose la matin et le soir, peut-être autre chose. En fait, si l’esprit était un objet matériel, alors il n’y aurait pas la possibilité de ce changement. Ce changement même montre l’aspect vide de notre esprit.

Quand la personne se dit : Oh ! Je n’ai plus aucune pensée, peut-être que la personne a l’impression d’être déjà un Bouddha ou d’être dans cet état. Finalement, quelques jours plus tard, elle se dit : Non ! Finalement, je ne suis pas Bouddha car j’ai vraiment plein de pensées !

Pour un tout petit temps, cette personne a obtenu un petit bonheur, mais ce temps-là a changé. Comprendre cela montre bien que la nature de notre esprit est changeante.
Nous allons réciter le mantra de Cent Syllabes à la dernière page, c’est un mantra qui recèle beaucoup de bénédictions.


[1Paradis de grande félicité